Attttttention les yeux !


Jeudi 28 novembre 2019 – Sarthe, France, Iran, Irak, Hong Kong, Chili…

Prompt à s’indigner de la répression des mouvements populaires à Hong Kong, en Iran, en Irak, au Liban, au Chili… le pouvoir n’en poursuit pas moins sa propre doctrine — dite — du maintien de l’ordre pourtant décriée par des pays « démocratiques » voisins, le Conseil de l’Europe [1], le défenseur des droits (Jacques Toubon), voire, par les préposés eux-mêmes. Et les victimes… ça va sans dire. En cause — entre autres — les lanceur de balles de défense (LBD) et leurs mortifères munitions. La pétition en ligne pour un moratoire sur leur emploi du neurochirurgien Laurent Thines approche les 180 000 signatures. Saisi par la Ligue des droits de l’Homme et l’UD-CGT de Paris, le Conseil d’État, par contre, a rejeté la demande de suspension de leur usage fin janvier de cette année. 

Nonobstant, le gouvernement persiste et… signe !

Comme le précise la coupure de presse du quotidien Ouest-France du 28 novembre 2019 (ci-dessous), le ministère de l’intérieur vient de commander 1 550 LBD — mono et multicoups — à l’entreprise ALSETEX (ALSacienne d’ETudes et d’EXplosifs) basée à Précigné, dans la Sarthe (près de Sablé-sur-Sarthe) [2]. Une poudrière du début du siècle dernier classée Seveso, seuil haut, comme six autres sites de la Sarthe (plus quatre de seuil bas).

Une façon sans doute toute jupitérienne de célébrer l’acte LIII (53) du 16 novembre 2019, premier anniversaire du mouvement des Gilets jaunes et son vingt-cinquième éborgné. Une scène « malencontreusement » captée en vidéo. Irréfragable [3] ! La victime : Manuel T, Valenciennois de 41 ans, mutilé place d’Italie, à Paris. Si le projectile en cause dans cette mutilation n’est pas encore catégoriquement identifié, il n’en reste pas moins que les LBD et autres engins de répression ont de multiples fois été impliqués, ont blessé [4] et estropié à tout-va. Jusqu’à 2 500 manifestants sur l’année !

L’usine Alsetex, repliée depuis des décennies à Précigné, dans le sud-ouest de la Sarthe, elle, en fabrique. Des LBD 40, mais pas que. Et elle n’est pas la seule ! L’inventaire en a été fait par Désarmons-les – Collectif contre la violence d’État, c’est là : . Et ce contrat en cache bien d’autres !

Tapie dans les bois, à distance des regards malveillants, ladite entreprise se la joue discrète. Oh ! la belle endormie se fait quand même tirer l’oreille dans son refus d’accompagner pleinement certaines mesures de sécurité du bâti des riverains. Et quand une salariée meurt dans une explosion accidentelle (24 juin 2014), son image en est quelque temps entachée. Plus récemment, la nature et le volume de ses productions employées sur des lieux de tensions fortes — Ligne THT Cotentin-Maine, NDDL, Sivens (cf. notre post-hommage à R. Fraisse, V. Michalon… ici : ) et  Bure, manifs des GJ, etc. — l’a fait sortir des abysses de l’actualité et a suscité dernièrement trois rassemblements hostiles à son activité, c’est là : .

Passée l’enquête préliminaire, l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), connue pour être juge et partie, a été saisie… Vue l’impartialité qu’on devine de ladite instance, pas sûr que l’instruction aboutisse à de quelconques suites judiciaires. Si toute « violence volontaire par une personne dépositaire de l’autorité publique » peut être potentiellement jugée et son auteur répondre de ses actes, ne devrait-on pas aussi entreprendre contre le commandement ? Le préfet Lallement en tête bien sûr, mais aussi le ministre de tutelle, le chef du gouvernement et « notre » perfide président…

Point n’est besoin d’être un tant soit peu violent ou menaçant pour entrer dans l’œil du cyclone. Selon l’agité de l’Élysée : « Il faut maintenant dire que lorsqu’on va dans les manifestations violentes, on est complice du pire » (Emmanuel Macron, le 25 février 2019). Une approche qui autorise tout et implicitement n’importe quoi. Exemple, le gazage pour déloger les manifestants pacifiques (sur l’urgence climatique) d’Extinction Rebellion au pont de Sully de Paris, le 28 juin. « Cela a pour but que les gens s’en aillent » avait contresigné de Rugy… Aussi, comment s’étonner et s’indigner de la liberticide loi anticasseurs votée en début d’année par 387 voix pour, 92 contre et 74 abstentions ? Vote des cinq députés sarthois : Marietta Karamanli et Sylvie Tolmont (PS), contre ; Jean-Carles Grelier (LR, parti à l’origine de la proposition de loi), Damien Pichereau et Pascale Fontenay-Personne (REM), pour. À l’été 2019, on verra même la justice (requise par TN International et Lemarechal Celestin, deux filiales d’Orano [ex-Areva]) interdire aux susdits antinucléaires de « perturber, gêner ou entraver de quelque façon que ce soit le transport et l’acheminement de matières ou de déchets nucléaires ou radioactifs » et de « s’approcher à moins de 250 mètres des convois » (routiers et ferroviaires).

La posture de qui tient le manche ! Aux manettes, le PS, lui, avait coproduit la loi « antiGreenpeace » relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, punissant de peines allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende le fait de s’introduire sans autorisation (même pacifiquement) dans les installations abritant des matières nucléaires [5], fait perquisitionner le domicile de Yannick Rousselet (chargé de campagne nucléaire de l’ONG) [6] et saisit ses supports numériques (disques durs, clés USB…) par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le 13 décembre 2016 ; assigné à résidence au moins sept militants écologistes pendant la Cop 21 [7] et manœuvré pour sinon empêcher au moins limiter toute manifestation conséquente pendant la surfaite Cop 21 de Paris.

Ce ne sont que quelques exemples et on vous le fait à bas bruit ! On le voit, au pays des droits humains, plutôt que s’attaquer au fond, chaque mandat présidentiel rétrécit le périmètre des latitudes citoyennes. La violence n’étant qu’un prétexte pour museler les mouvements sociaux, criminaliser les mouvements, associations, militant·e·s, les lanceuses et lanceurs d’alerte, contrôler la population, limiter toutes les formes d’expression que le pouvoir ne maîtrise pas.


[1] Dont la Belgique. Au début de l’année, le Conseil de l’Europe lui-même a demandé à la France de suspendre l’usage des LBD.

[2] 180 LBD six coups seraient également commandés à la Sté Rivolier Père et Fils de Saint-Just-Saint-Rambert, dans le département de la Loire.

[3] Cependant, filmer un policier en mauvaise posture face à des manifestants est interdit et peut relever d’une « complicité de violence ». Rien de moins ! Vendredi 6 décembre 2019, un Gilet jaune jugé au Mans pour avoir shooté ce genre de scène le 24 août de cette année lors d’une manifestation GJ en a fait les frais en vertu de la loi de mars 2007 reprise dans le code pénal (art. 222-33-3) qui dit : « Est constitutif d’un acte de complicité des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne (…) le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions ».

[4] Jusqu’à ce que mort s’en suive pour Zined Redouane, octogénaire blessée alors qu’elle fermait ses volets pour se protéger des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation à Marseille le 1er décembre2018.

[5] Loi parue au Journal officiel du mercredi 3 juin 2015.

[6] Redevenu député et présent à ce titre lors de l’audition de Y. Rousselet à la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires (sans doute le 8 novembre 2017), Stéphane Le Foll a eu beau tenter de minimiser cette perquisition suivi d’une garde à vue différée en dodelinant de la tête… l’objectif était bien de museler cette ONG et de la mettre à genoux tout en intimidant les autres.

[7] 21e Conférence des parties à la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, du 30 novembre au 11 décembre 2015.


Coupure de presse : quotidien Ouest-France du jeudi 28 novembre 2019. Dessin de presse : Mikolas  (nous n’avons pas trouvé de source autre que Facebook, on répare dès que renseigné).