Interpellation du Collectif 72 En marche pour la Paix, lundi 11 novembre, au Mans


 Lundi 11 novembre 2019, de 11 heures à midi – Le Mans, place des Jacobins

Une poignée de « vigies de paix » (plus de 35) se sont symboliquement réunis le lundi 11 novembre 2019 devant la stèle [1] dédiée à la mémoire de Paul (Henri Balluet) d’Estournelles de Constant, Prix Nobel de la Paix 1909 [2], place des Jacobins au Mans. Comme Jean Jaurès, que le même collectif avait choisi de célébrer l’an passé (sous le viaduc de l’avenue à son nom, c’est là : ), il a inlassablement œuvré pour enrayer la marche infernale vers une conflagration générale qui adviendra néanmoins de 1914 à 1918. Une boucherie sans nom qui, hélas, se dupliquera une vingtaine d’années plus tard...

Ce rassemblement répondait à l’appel du Collectif 72 En marche pour la Paix (dont SdN 72 est membre) pour « une urgence pacifiste, une urgence climatique et une urgence démocratique ».

Extraits du tract-communiqué

« L’armistice qui a mis fin à la terrible guerre de 14-18 rappelle à toutes et tous que la paix, l’environnement, la démocratie sont des enjeux à défendre à tous moments.

La montée des conflits et des périls dans le monde marque notre actualité de tous les jours. L’agression de l’armée turque contre le mouvement démocratique kurde, les interventions militaires unilatérales des grandes puissances comme les soutiens à des dictatures corrompues créent des situations catastrophiques pour les populations et dangereuses pour la paix dans toute cette région.

Ceci alors que se réaffirment, dans tout le Moyen Orient et en Turquie même, la force des mouvements démocratiques, des exigences populaires de lutte contre les inégalités, la corruption, pour les libertés. (…)

En se joignant à cette initiative du collectif 72 En marche pour la Paix, chacun·e a pu y affirmer sa volonté d’une planète de paix, dans un environnement sauvegardé, pour une avenir partagé de démocratie et de progrès. (…) »

Le discours

Pour le Collectif 72 En marche pour la Paix, Martial Château a lu le discours qui suit :

« Nous sommes rassemblés ce matin à l’appel du collectif 72 En marche pour la Paix devant la stèle de Paul d’Estournelles de Constant, diplomate, député, puis sénateur de la Sarthe, qui reçut le Prix Nobel de la Paix le 10 décembre 1909, conjointement avec le député belge Auguste Beernaert, pour leurs efforts dans la construction du droit international, notamment dans l’élaboration des conférences de La Haye de 1899 et 1907 qui déboucheront sur la création d’une Cour permanente d’arbitrage.

La CPA assure l’administration des arbitrages internationaux, des conciliations, et des commissions d’enquêtes dans des litiges entre États, personnes privées et organisations intergouvernementales.

À partir de l’entrée en guerre en 1914, il se rallie à l’union sacrée et développe ses relations aux États-Unis, espérant que l’entrée en guerre de ces derniers réduira la durée du conflit et aboutira à une paix fondée sur l’arbitrage international. Ce ralliement à l’union sacrée sera le drame de sa vie.

Par notre présence devant cette stèle, nous tenons à réaffirmer, un mois après l’agression de l’armée turque, plus que jamais notre solidarité avec le peuple kurde et avec les mouvements démocratiques qui se développent dans toute la région.

L’attaque de l’armée turque, début octobre, contre les populations kurdes est lourde de graves dangers pour la paix, pour la démocratie, la sécurité des populations. Un mois après cette violation brutale des droits du peuple kurde, c’est l’annonce de centaines de victimes, la fuite massive de populations civiles, les bombardements intensifs de plusieurs villes kurdes. Inséparablement, ce sont les droits démocratiques chèrement acquis par le mouvement national kurde et les avancées du courant démocratique en Turquie même qui sont dans la visée de RT Erdogan. Ceci avec la complicité de fait de D.Trump, de l’OTAN et de l’Union Européenne.

Ce qui se joue aujourd’hui au Kurdistan syrien, c’est l’avenir de tout un peuple dont le territoire a été arbitrairement divisé par les puissances coloniales en 1920 ! En vertu d’accords secrets, puis du traité de Sèvres en 1920, au Royaume Uni les territoires de l’Irak et la Palestine, à la France la Syrie et le Liban actuels ! Cette tutelle coloniale est encore aujourd’hui un lourd passif pour toute la région alors que la lutte du peuple kurde, comme les mouvements populaires qui s’expriment dans tous les pays du Moyen-Orient, porte la perspective d’une société de liberté, de démocratie, de droits pour tous, au cœur d’une région qui veut se libérer de la dictature, du terrorisme, des visées régressives, patriarcales portées par DAESH.

En France, l’Assemblée nationale vient, ce 30 octobre, de voter un vœu qui « invite le Gouvernement français à adopter toutes les mesures à même de soutenir ses amis et alliés kurdes, protéger les populations civiles, restaurer la stabilité et empêcher le chaos sécuritaire dans le Nord-Est syrien ». Mais ce sont des dispositions concrètes qu’attendent les citoyen·ne·s. Des propositions précises sont avancées : embargo immédiat sur les armes à destination de la Turquie, instauration d’une zone d’exclusion aérienne pour protéger les populations, sanctions économiques et financières contre Erdogan et les dirigeants turcs, intervention de la France dans la Commission européenne pour que les discussions avec l’État turc soient soumises au respect strict du droit international. Enfin, la France ne saurait cautionner l’agression turque en demeurant dans le même commandement intégré de l’Otan que la Turquie elle-même ! La France aurait dû depuis longtemps sortir de ce commandement intégré de l’Otan. Elle doit le faire sans tarder ! Ces exigences précises, le « Collectif 72 En marche pour la Paix » veut les faire entendre directement aux parlementaires et au gouvernement. Un mois après le déclenchement de l’agression turque, il faut arrêter l’engrenage des interventions militaires. Les autorités françaises doivent agir pour arrêter cela. Agir, maintenant !

Nous tenons aussi à exiger qu’au plan international la France intervienne contre la course aux armements. Mais ce n’est pas en modernisant la soi-disant dissuasion nucléaire, coûteuse et dangereuse, ce n’est pas en augmentant de près de 2 milliards d’euros chaque année le budget militaire du pays que la France va dans le sens de la paix, de la sécurité, de la préservation de la planète ! En juillet 2017, une large majorité de 122 membres de l’ONU ont approuvé le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), ce traité a déjà été ratifié par 33 pays. La France peut et doit jouer un rôle moteur dans ce mouvement. Et les citoyen·ne·s doivent faire entendre leur voix, notamment en demandant aux élus locaux et aux communes [3] de se joindre à ce mouvement pour la paix et le désarmement. Et directement en s’adressant aux parlementaires pour que cesse cette dangereuse course aux armements et particulièrement aux armements nucléaires.

La France doit se joindre à ce mouvement mondial, de paix, de sauvegarde de l’humanité et de son environnement, c’est ce message qui s’impose en ce 11 novembre ! »

Comme d’habitude, chacun·e des participant·e·s, organisations ou personnes, a pu intervenir sur ces questions majeures. Notons deux interventions, l’une du Mouvement de la Paix qui a insisté sur les 50 « murs » (dont 1000 km [en cumulé] construits en Europe depuis la chute du mur de Berlin, la plupart contre les migrants) qui empêchent la circulation des peuples mais pas des capitaux, les roueries qui violent les droits internationaux… avant d’appeler à agir pour une véritable culture de paix ; une seconde, de l’ex-représentante locale de la LIFPLP, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté créée en 1915 (organisation qui, pour l’instant, n’a pas rejoint notre collectif), qui a souligné — en plus de son « combat pour la paix » — l’engagement de d’Estournelles de Constant pour le vote des femmes.

Bis repetita

Ce même 11 novembre (et depuis plus de dix ans), un rassemblement pour la réhabilitation des « fusillés pour l’exemple » de la guerre 14-18 et contre toutes les guerres s’est aussi tenu devant la stèle pacifiste, place de la Paix à Allonnes, à l’appel de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC), du Mouvement de la Paix, de l’Association des élus communistes et républicains du Mans, la Ligue des droits de l’Homme (droits humains), de la Libre Pensée avec la présence de Nafaa Mostafa, élu municipal d’Allonnes et voix de la mairie, et d’individuels. La course aux armements, le commerce des armes, l’arme atomique, le budget de la défense, les ex-opérations coloniales (Madagascar…), les Opex (549 soldats morts « pour la France » depuis 1962 sur 17 théâtres d‘opération), pour sécuriser les approvisionnement en uranium, coltan… ont tour à tour été mis à l’index. Aussi, par la voix de la Libre Pensée, et c’est nouveau cette année, le SNU, Service national universel (qui doit être généralisé à l’horizon 2023-2024), et son contenu visant implicitement l’embrigadement de la jeunesse.

«La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas.» Paul Valéry.


Le jeudi 15, aux Quinconces, et le samedi 16 novembre, au Théâtre du Passeur, Patrick Quilliet [4] a aussi proposé des lectures-performances de son œuvre poétique Voix éclatées (de 14-18). Des textes restitués à partir de lettres, de carnets de combats… témoignages de « la vie déchiquetée » de poilus inscrits sur le monument aux morts de son villages d’Aigun (06) et de Sigale à proximité. En savoir plus, ça peut être là : https://www.recoursaupoeme.fr/patrick-quillier-voix-eclatees-14-18/ et sans doute ailleurs. Livre de Patrick Quilliet : Voix éclatées (de 14-18), Éd. Fédérop.


[1] Oeuvre de Paul Landowski (stèle et buste). Après avoir longtemps occupé le haut de l’avenue de Paterborn (au-dessus du musée de Tessé), le monument siège désormais à gauche du complexe des Quinconces. Le même Landowski a créé l’Envol en hommage aux pionniers de l’aviation (érigé en 1920 en haut de la rue Wilbur-Wright, elle siège désormais au milieu du pont du Greffier, boulevard Anatole-France) et… le Christ Rédempteur du mont Corcovado, à Rio de Janeiro. Aussi les Fantômes, monument commémoratif de la bataille de la Marne en hommage aux malheureux des tranchées qu’il avait promis de «relever». Plus tard, en 1941, directeur des Beaux-Arts, il se commettra dans une tournée à travers toute l’Allemagne. Un «voyage à Berlin» pour intercéder en faveur de ses élèves prisonniers qu’il regrettera longtemps et amèrement.

Un temps (années 1980), la mémoire de Paul d’Estournelles fut honorée et son monument fleuri par des pacifistes manceaux rassemblés autour du Dr Jacques Richard, ancien élu de la ville du Mans (et ex du feu GRANV, Groupe de résistance et d’action non-violente).

L’après-midi, la municipalité du Mans a aussi rendu hommage à Paul d’Estournelles de Constant, homme de paix, diplomate, député et sénateur de la Sarthe. Le mardi 12, l’université du Mans accueillait aussi une exposition à son sujet et une conférence de Stéphane Tison intitulée La guerre, défaite mondiale. Paul d’Estournelles de Constant et les naufragés de la paix.

[2] Sans nier les contradictions du parcours de l’homme politique sarthois (cf. Discours, 3e §), il reste que son action après la guerre 1914-18 pour les coopérations internationales, le respect des droits des peuples et la paix, est de pleine actualité. Résumons-le dans l’une de ses devises : « La guerre plutôt que la servitude, l’arbitrage plutôt que la guerre, et la conciliation plutôt que l’arbitrage. »

[3] En Sarthe, et pour l’heure, seule la ville d’Allonnes a paraphé cet appel lors de son conseil du 28 juin 2019. C’est là : .

[4] En 2018, il a reçu le prix R. Kowalski, grand prix de poésie de la ville de Lyon.


Photos : SdN 72. Affiche du rassemblement d’Allonnes : visuel du collectif.