Barracuda : 9,1 milliards pour des armes de destruction massive


Décembre 2019 – Monde

À sa mesure, SdN 72 participe à la rédaction de textes pour la revue nationale du Réseau Sortir du nucléaire. Nous reproduisons ci-dessous un des deux articles de Martial Château paru dans le n° 83 (automne 2019) de ladite revue qui aborde le renouveau de la flotte de soutien à la force océanique stratégique (composante maritime de la dissuasion nucléaire) du pays (la seconde est aéroportée). Et son colossal coût !

                                                                                                               Un des administrateurs

Programme Barracuda, 9,1 milliards pour des armes de destruction massive

Le 12 juillet à Cherbourg, Emmanuel Macron est venu célébrer, en grande pompe, le lancement du Suffren, premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de la série Barracuda, construit à Cherbourg par Naval Group.

Le Suffren est le premier submersible du programme Barracuda ; cinq autres exemplaires seront livrés d’ici 2029 afin de remplacer les six sous-marins actuels de la classe Rubis construits entre 1976 et 1990.

Le coût du programme Barracuda est estimé aujourd’hui à 9,1 milliards au lieu des 7,9 milliards initialement prévus. Comme pour le nucléaire civil, les budgets du nucléaire militaire explosent.

Ces nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque sont plus gros, plus «performants», avec un armement plus destructeur même s’ils n’emportent pas de missiles nucléaires comme les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [1] (SNLE). Ils sont indispensables à la force de frappe nucléaire car ils servent à la protection des SNLE ainsi qu’à celle du porte-avions Charles-de-Gaulle qui transporte la force aéronavale nucléaire.

Comme au temps de la guerre froide, ce programme Barracuda participe à une nouvelle course internationale au développement des arsenaux d’armes de destruction massive. La loi de programmation militaire votée à l’automne 2018 a acté un budget de 37 milliards d’euros d’ici 2025 pour la modernisation de l’arme atomique.

Ces réacteurs nucléaires flottants, comme tous les réacteurs nucléaires, sont polluants, ils rejettent de la radioactivité dans l’environnement et deviendront des déchets nucléaires à l’issue de leur démantèlement [2].

Dans un monde fortement impacté par les changements climatiques et alors que le gouvernement recherche des moyens pour diminuer les dépenses de l’État, cette dépense de 9,1 milliards dans l’armement est insupportable comme le sont les 11 milliards déjà engloutis dans l’EPR de Flamanville.

Ces 20 milliards d’euros auraient été plus utiles au développement des énergies renouvelables décentralisées, adaptées aux territoires et aux pouvoirs partagés entre travailleurs, usagers et protecteurs de la planète.

Cette politique de modernisation des armes nucléaires est une réponse provocatrice et méprisante envers les 122 pays qui ont voté à l’ONU, en juillet 2017, le Traité d’Interdiction des armes nucléaires (TIAN).

Se vanter, comme le fait le Président de la République, d’un tel entêtement nucléaire, civil comme militaire, est la manifestation d’une arrogance coûteuse et dangereuse pour l’avenir et la paix dans le monde.

                                                                                                                                                                         Martial Château


[1] « Engins » pour missiles armés de bombes nucléaires.

[2] Le démantèlement est prévu à Cherbourg. Les cinq réacteurs des SNLE de première génération y sont déjà entreposés. D’ici 2028, les six réacteurs SNA de la classe Rubis y seront aussi entreposés. Des déchets radioactifs pour des millions d’années.

[3] Renouveler la flotte des SNA, puis celle des SNLE adaptés à l’emport du missile M 51.3 va évidemment nous coûter une blinde. Mais… pas un pognon de dingue ! « Raisonnable » l’État (annonce de F. Hollande à Istres en 2015) a renoncé à une nouvelle génération encore plus performante mais aussi plus lourde du missile M 51 qui aurait induit une coûteuse adaptation de la base sous-marine de l’Île-Longue.

[4] Horloge conceptuelle pour laquelle minuit représente la fin du monde du fait des menaces nucléaires, écologiques et technologiques, régulièrement mise à jour depuis 1947 par les directeurs du Bulletin of the Atomic Scientists de l’université de Chicago.

[5] Le Pouvoir et la Vie [mémoires] tome II/III, p. 210 : L’affrontement, aux éditions Compagnie 12, 1991.


Infographie : SdN 72 (J-L B). lllustration : SdN 72 (J-L B). Pour agrandir l’illustration et l’encadré, cliquer dessus.