Retour sur le ciné-débat « Tchernobyl, le monde d’après », le 13 mai, à La Flèche


Lundi 13 mai, à 20 heures – Au cinéma Le Kid, à La Flèche

C’est loin tout ça ! Oui… Et pourtant si actuel et si menaçant pour nos humbles carcasses et plus particulièrement celles des habitants des régions de l’Est les plus touchées (le sud-ouest de la Russie, le nord de l’Ukraine et surtout l’est et tout le sud de la Biélorussie ou Bellarus) par la contamination qui sévit toujours et encore pour longtemps à la suite de l’explosion du réacteur n° 4 de Tchernobyl (de type RMBK), le 26 avril 1986.

Pour être plus récente, l’explosion échelonnée de trois réacteurs à Fukushima, en mars 2011, est forcément plus connue des jeunes générations (nous l’avons souvent constaté lors de nos tractages, notamment le 26 avril, c’est là : ). L’info n’affole néanmoins qu’un nombre limité de nos congénères quand bien même « notre » président proroge quasi unilatéralement la fermeture du cacochyme parc nucléaire existant et entend en relancer l’activité avec son projet de 6 à 14 nouveaux réacteurs.

Autant de déraison !

Lanterne magique sur l’obscurantisme nucléaire

Comme tu veux tu choises : salle à moitié vide ou à moitié pleine ! Le compteur de la billetterie s’est arrêté à quarante pour le visionnage du film « Tchernobyl, le monde d’après » [1] présenté ce 13 mai au Kid de La Flèche. Avec, à l’issue, de la projection des échanges avec son auteur et coréalisateur Yves Lenoir (par ailleurs président de l’association Enfants de Tchernobyl Belarus [2]), ainsi qu’avec Kolin Kobayashi (journaliste japonais), tous deux venus nous rappeler la terrible actualité de Tchernobyl pour l’un et Fukushima pour l’autre. 

Tchernobyl + 38

On l’a vu supra, Yves Lenoir [3], premier intervenant de la soirée, est l’auteur du susdit documentaire réalisé en 2018. Il fait réponse — et en est le pendant infiniment moins consensuel — du documentaire révisionniste « Tchernobyl, Fukushima : vivre avec » difusé trente ans après l’accident sur la chaîne Arte le 26 avril 2016 (lire à ce propos l’excellent article de l’hebdomadaire Politis du 25 mai 2016, c’est là : ). Schématiquement, celui-ci concluait que Tchernobyl, c’était fini, tout était réglé, tout allait bien !

Yves Lenoir connait bien le sujet. Il est le président de l’association « Enfants de Tchernobyl Belarus » et l’auteur du livre « La comédie atomique », qui décrit l’histoire occultée des dangers des radiations (éd. La Découverte 2016, ibid [3]).

Le film montre clairement que les problèmes sanitaires de Tchernobyl sont loin d’être réglés, le taux de morbidité continue à augmenter. Si une exposition à une radioactivité intense (liquidateurs, pompiers, militaires, pilotes d’hélicos…) peut avoir des effets létaux à très court terme, l’exposition prolongée à de faibles doses radioactives « s’apprécie » sur le temps long et produit in fine des effets stochastiques (une même cause n’induit pas toujours les mêmes effets). Trente-huit ans après ce désastre, le bilan sanitaire continue d’être minoré, notamment par l’OMS qui frise le ridicule sur le bilan qu’elle en a fait en 2005, 19 ans après [4], quand le désastre sanitaire se poursuit bel et bien. Certains ayant même poussé le déni jusqu’à attribuer les pathologies des sujets à une radiophobie délétère entraînant beaucoup de maladies psychosomatiques (idem à Fukushima).

Au cours du débat, Yves Lenoir a aussi montré que l’on évoque souvent le nombre de morts générés par cette catastrophe dont les organismes officiels ont toujours largement minimisé l’ampleur mais qu’il convient aussi et surtout de se rendre compte des effets sur l’espérance de vie, considérablement réduite, et sur la santé très dégradée de millions d’hommes, de femmes et d’enfants [5]. Les effets génétiques (documentés dans le film) sont aussi très important et on en parle peu. Aussi, la fécondité en a durablement été impactée. Laissons lui la parole  : « Puis vous avez tous ces  avortements qui ont été entre guillemets de « précaution« ;  les gens ne voulaient pas prendre le risque d’avoir un enfant mal formé, on ne peut pas le leur reprocher, ils ne l’ont sûrement pas fait de gaieté de coeur, mais là, le chiffre global des anomalies (je parle toujours d’anomalies), c’est 13 millions pour 85 millions de naissances, donc c’est considérable. Ça, c’est pour la période de 20 ans après Tchernobyl. » Ces chiffres concernent les quinze pays les plus touchés, peuplés en milieu de période de 293 millions d’habitants (NDLR) [6].

L’institut indépendant BELRAD ne reçoit plus de subvention de l’État du Belarus depuis 2005. Sauf nos soutiens (besoins : 200 000 euros par an pour son fonctionnement normal), sa pérennité est donc en danger,  (cf., lien, compte, adresse… en note [2] ibid). Créé en 1990 par Vasily Nesterenko et aidé financièrement, notamment par l’association « Enfants de Tchernobyl Belarus », il a réalisé un travail considérable pour que les habitants du Belarus puissent contrôler leur nourriture et éviter de manger les produits trop contaminés. Les enfants sont même formés pour repérer, à l’aide de détecteurs [7], les « taches » de contamination les plus fortes dans les campagnes afin d’éviter de les cultiver. Il n’existe cependant pas d’instituts équivalents en Ukraine et en Russie.

Fukushima + 13 

Comme Yves Lenoir, Kolin Kobayashi (second intervenant, mais sur la thématique Fukushima) est revenu lui aussi sur les programmes européens Ethos-CoRe (cf. Politis du 25 avril 2016, cité supra [notez bien les « partenaires » français du premier projet Ethos]) et de son cheval de Troie le Centre d’étude sur l’Évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire, revisité et adapté pour Fukushima, qui visent à possibiliser et « sédentariser » la vie humaine dans un milieu irradié, la pression faite aux populations déplacées pour leur retour dans ces zones. Il a aussi insisté sur la complexité de la mise en sûreté (sécurité dans le jargon nucléophile) du chantier de la centrale de Fukushima Daiichi et l’immensité de celui de son démantèlement dont les délais estimés se distendent vertigineusement, appréhender, dégager les lieux ; évaluer  et définir des moyens d’intervention sur les trois réacteurs détruits, les dangers que représente l’unique piscine surélevée (commune aux trois ex-réacteurs) qui contient d’innombrables assemblages de combustible irradiés, évidemment, les rejets de l’eau de refroidissement — tritiée — des réacteurs détruits (plus d’1,3 million de tonnes contaminées au tritium) dans le Pacifique, dont chacun a pu entendre parler, etc.

Sueur froide en temps de réchauffement climatique

Comme le confiera une spectatrice, au vu de l’étalage des dommages nucléocides, ça fait « froid dans le dos » ! D’où l’intérêt à agir, le nôtre, le vôtre, celui des victimes passées, présentes et… à venir évidemment !


Vous pouvez retrouver la présentation (et même beaucoup plus) de cet événement dans l’interview de Martial Château, coprésident et porte-parole de SdN 72, diffusé sur la radio locale Radio Prévert, le 8 mai 2024, ici : puis, cliquer sur le bouton (en dessous de notre URL : www.sdn72.org ).


Ce film avait déjà été projeté une première fois dans la Sarthe, à Mamers (au cinéma Le Rex), le mardi 20 novembre 2018. Notre recension de l’événement est là : .


À l’été 2016, l’entreprise Hannecard (Kalker Groupe Hannecard) de La Flèche avait livré 500 m de joints à base d’élastomère (polyuréthanes-caoutchouc had hoc qu’on souhaite efficient et pérenne) conçu et réalisé en interne destiné à l’étanchéisation des six ouvertures (portes) de la gigantesque arche en acier (commencée en 2009 et construite par Novarka : Vinci Construction et Bouygues Travaux Publics, cf. notre article, ici : ) destinée à recouvrir le sarcophage détérioré, construit à « l’arrache » et dans des conditions sanitaires très, très dégradées après l’explosion de l’ex-réacteur de la centrale « Lénine » (ressource : Ouest-France du 30 août 2016, ici : ).


Notes

[1] « Tchernobyl, le monde d’après », a été filmé en 2016, à l’occasion du 30e « anniversaire » de la catastrophe. Yves Lenoir en est l’auteur, Marc Petitjean, Yves Lenoir, Michel et Mona Hugot les réalisateurs. Durée du film : 1 h 25 mn. On peut commander le DVD de ce film, ici : . Les fauchés peuvent aussi le trouver en accès libre sur internet.

[2] Enfants de Tchernobyl Belarus. Courrier : 4 route de la Petite-Bruyère, 03430 Tortezais. Siège : c/o Yves Lenoir, 58 rue Bobillot, 75013 Paris. Courriel : etb@enfants-tchernobyl-belarus.org. Site internet : https://enfants-tchernobyl-belarus.org.  Adhésion et dons : https://enfants-tchernobyl-belarus.org/etb/adhesion.html.

[3] Yves Lenoir est l’auteur de La comédie atomique – L’histoire occultée des dangers du nucléaire, Ed. La Découverte, mars 2016, 320 p. (il n’est plus disponible à la boutique du Réseau). Nous l’avions reçu au Mans, en mai 2017 (et nos amis antinucs d’Alençon sous la yourte alternative de Ségrie [Sarthe N.-O.], en juin) pour parler de ce livre à la librairie Thuard, c’est là : .

Il a aussi coécrit Tchernobyl-sur-Seine (1994) avec la Sarthoise d’origine, Hélène Crié hier, Crié-Wiesner aujourd’hui (cf. notre Quiz, ici :  (question et réponse 6).

Son dernier opus De l’indifférence au déni : L’OMS et les dégâts de radiations (1946-2006), Ed. Les produits du jardin-ETB Belrad, 64 p., 10 € (reversés à l’association) vient de sortir.

Yves Lenoir est Ingénieur de recherche à l’école des Mines de Paris (1971-2010). Il a été membre du Groupe interministériel d’évaluation des options techniques pour les déchets radioactifs (1974-1975) ; expert du gouvernement de Basse-Saxe pour l’évaluation du projet d’usine de retraitement et de stockage de déchets de Gorleben (1978-1979). Il est aussi membre des Amis de la Terre (1974-1981), membre du bureau de Greenpeace en France (1984-1987), membre du GSIEN (1975…), fondateur du Comité de liaison Tchernobyl (1988-1991), membre de la mission Rivasi sur les déchets radioactifs (2000).

[4] Cinquante morts (pompiers, personnels de la centrale…) et quatre mille par cancer considéré comme officiel en 2006.

[5] À l’image des morts d’accidents de la route qui ne sont plus comptabilisés passé le mois suivant le sinistre, les pathologies nombreuses (cancers, leucémies, problèmes cardiaques…) liées à une exposition, rayonnement, irradiation, une contamination (absorption) de radionucléides peuvent survenir plusieurs décennies après, échappant de fait aux statistiques.

[6] Ces chiffres sont issus des statistiques nationales et internationales concernant les quinze pays les plus touchés par les conséquences de Tchernobyl, soit directement (les retombées radioactives), soit indirectement (des pays d’ex-URSS qui ont envoyé des liquidateurs). Référence : https://enfants-tchernobyl-belarus.org/etb/documintaire/pdf/AngesCachesTchernobyl2.pdf.

[7] L’institut BELRAD a notamment mis au point et fabriqué plus de 300 000 radiamètres.


Crédits photos : SDN 72. Affiche : Tchernobyl, le monde d’après. Dessin de presse :  sans doute Eho (sans autorisation pour l’instant (on répare dès qu’informé). Logo : Enfants de Tchernobyl-Belarus, Belrad