Périple en France de Naoto Kan, ex-Premier ministre japonais, repenti du nucléaire


Les 12, 13, 14, 15 et 16 mars 2018 – Paris-Strasbourg-Flamanville

À l’invitation de Yosomono et du Réseau Sortir du nucléaire, Naoto Kan, ancien Premier ministre du Japon en exercice au moment de la catastrophe de Fukushima Daiichi [1], a passé cinq jours en France (du 12 au 16 mars) pour affirmer la nécessité de sortir du nucléaire.

Martial Château pour le Réseau Sortir du nucléaire (dont il est aussi un des administrateurs) l’a accompagné une grande partie de son séjour. Il est aussi coprésident de SdN 72. Nous publions ses notes ci-dessous.

La veille (le 11 mars), à Paris, avait été rappelé et célébré le souvenir (septième du genre) de la catastrophe de Fukushima [2]. Notre article est ici : .

Lundi 12 mars

En avant-première, la projection du film Le couvercle du soleil [3] au cinéma Les 7 Parnassiens, avec la présence exceptionnelle de Naoto Kan et M. Tamiyoshi Tachibana, producteur exécutif.

Dans ce film de Furoshi Sato, le héros, Nabeshima, journaliste en poste dans le Press Club du cabinet du Premier ministre, essaie, au cours des cinq jours après le début de la catastrophe à Fukushima-Daiichi, de comprendre le déroulement des événements en mettant en avant les flottements de la direction de TEPCO et du gouvernement japonais dans les prises de décisions permettant de limiter la catastrophe. À la fin du film, on voit Nabeshima interroger un jeune salarié de la compagnie d’électricité sur la situation actuelle de la centrale. Celui-ci lui dit clairement : « Rien n’a changé au bout de cinq ans. »

La salle était bondée, de nombreuses personnes n’ont pu entrer, les échanges avec Naoto Kan furent riches et nombreux.

Mardi 13 mars

Conférence de presse au Parlement à l’invitation de député·e·s de la France insoumise, présence de nombreux journalistes et de députés représentant les différents groupes parlementaires de l’Assemblée nationale. Cette conférence de presse s’est prolongée par un temps d’échange libre avec de nombreux invité·e·s. Nicolas Hulot, présent à l’Assemblée, n’a pas daigné venir saluer Naoto Kan !

Mercredi 14 mars

Conférence de presse à la mairie de Strasbourg, puis au Parlement européen, en présence de représentants de nombreuses associations antinucléaires alsaciennes et à l’invitation de Michèle Rivasi et des écologistes européens.

Jeudi 15 mars

Visite en extérieur de la centrale de Flamanville et son EPR en construction, dépôt de gerbe à la stèle des irradié·e·s connu·e·s et inconnu·e·s. Naoto Kan a déclaré qu’il ne fallait pas démarrer l’EPR.

La projection du film Le couvercle du soleil suivi d’un débat (visuel supra et photo) à la salle Le Rafiot de Flamanville fut un véritable succès avec plus de quatre cents personnes [4].

Vendredi 16 mars

Visite en extérieur de l’usine de retraitement de La Hague en présence de André Guillemette, de l’ACRO, qui indique les différents lieux de rejets de déchets radioactifs autour de l’usine. Au cours de cette visite, Naoto Kan s’est exprimé sur les 20 tonnes de plutonium (Pu) d’origine japonaise (issu du retraitement de combustibles usagés japonais retraités à La Hague il y a quelques années). La loi française exige que ce Pu retourne au Japon, Naoto Kan ne souhaite pas son retour en l’état en raison du risque de prolifération. Il suggère de faire comme aux USA avec les surplus de Pu militaire, le remélanger avec un produit neutre empêchant le risque d’atteindre la masse critique permettant une réaction nucléaire avant tout retour au Japon.

Florilège de « petites phrases »

Au cours de ses multiples conférences de presse et interviews, Naoto Kan n’a cessé de réaffirmer son engagement pour la sortie du nucléaire : « Fermer au plus vite les centrales nucléaires car une centrale nucléaire sûre est une centrale fermée » (…) « Plus les centrales sont vieilles, plus vite il faut les fermer. Je suis complètement opposé à la prolongation de vie des anciennes centrales. » (…) « Auparavant, avant la catastrophe, j’étais un peu comme tout le monde. Il n’y avait jamais eu de véritables accidents nucléaires au Japon et un mythe de la sécurité s’était mis en place. Pendant longtemps, beaucoup de fonctionnaires japonais y ont cru, et je suis l’un d’entre eux. Le 26 avril 1986, il y a certes eu l’accident de la centrale de Tchernobyl. Mais nous pensions que c’était lié à l’ancienne Union soviétique et qu’au Japon, un pays très sûr, un tel accident ne pouvait arriver. Or cela s’est produit. Et ce fut pire qu’à Tchernobyl ! » (…) « On ne peut pas courir un tel risque pour les territoires et les populations. Aucune technologie ne peut nous protéger. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. J’ai donc décidé de consacrer le reste de ma vie à me battre pour que le nucléaire disparaisse » (…) « Les énergies renouvelables peuvent remplacer le nucléaire » (…) « Elles sont bien moins coûteuses que la production d’une centrale nouvelle génération comme celle de Flamanville » (…) « Il faut parler des énergies renouvelables et démontrer qu’elles peuvent complètement remplacer le nucléaire. Vous pouvez donner l’exemple des pays voisins de la France comme l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark. Au Danemark, 60% de l’électricité est produite grâce aux énergies renouvelables. Donc pourquoi pas en France ? »

                                                                                                               Notes de Martial Château.


Pour les plus curieux et les plus disponibles, nous vous conseillons aussi l’interview de Naoto Kan menée par Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre (site qu’on vous recommande également), dans le film documentaire Libres, de Jean-Paul Jaud, ici : .


[1] Aujourd’hui député démocrate à la Diète, hier, Naoto Kan a été Premier ministre du Japon, du 8 juin 2010 au 2 septembre 2011. Très impopulaire pour sa gestion post-tsunami et du triple accident nucléaire de Fukushima survenu le 11 mars 2011, il démissionne le 26 août 2011 de la direction du PDJ et, par conséquent, de sa fonction, après avoir fait arrêter les cinquante-quatre réacteurs nippons. Chaud partisan du nucléaire avant et au début de sa gouvernance, il envisageait même de passer la part de production d’électricité d’origine nucléaire du Japon de 30 à 50 %. Il faut mesurer le drame intérieur de cet homme et considérer avec bienveillance cet incommode revirement à 180 °.

[2] Intitulé : « Grand rassemblement pour la sortie du nucléaire », à Paris, place de la République. À l’appel de : Réseau Sortir du nucléaire, Yosomono, Sortir du nucléaire Paris, France insoumise, Ensemble, Solidaires, Attac, Écoéchange, ACDN, Europe Écologie-Les Verts… Une dizaine de Sarthois·es ont fait le déplacement.

[3] Le groupe SdN 72 vous propose également ce film (en partenariat avec le cinéma le Colisée) le samedi 21 avril, au Mans, au cinéma le Colisée, à 20 h 30 (11 rue du Port). La projection sera évidemment suivie d’un débat, mais hélas sans la présence de Naoto Kan.

Auparavant, nous vous proposons le film La bombe et nous, suivi d’un débat, le samedi 7 avril 2018 (même endroit, même horaire).

[4] Vous trouverez un article plus complet sur cette soirée et une vidéo du débat sur le site du CAN-Ouest (Collectif antinucléaire Ouest, collectif auquel SdN 72 participe depuis sa création, début 2015), ici : . Depuis sa création, le CAN-Ouest a notamment organisé une conférence sur Les faibles doses nucléaires, le 2 avril 2016, à Flamanville, c’est ici : , la manifestation, rassemblement et forum des 1er et 2 octobre 2016 à Siouville/Flamanville, c’est là :  et la manifestation du 30 septembre 2017 à Saint-Lô, c’est encore là : . Sont également publiés sur ce site des communiqués, des articles décortiquant l’évolution du dossier, l’actualité de l’EPR et du nucléaire en général.


Visuel : Le couvercle du soleil. Crédit photos : (portrait) Reporterre, (cérémonie à la stèle, salle du Rafiot, N. Kan et A. Guillemette) CAN-Ouest. Stèle seule (oct. 2016) : SdN 72.

Stelle irradié inconnu