Ciné-débat : « La bombe et nous » au Mans, le samedi 7 avril


Samedi 7 avril 2018 – Cinéma le Colisée, au Mans

C’était la seconde projection du film La bombe et nous, de Xavier-Marie Bonnot, en Sarthe, en ce début d’année. En février, nous l’avions proposé aux habitants de la périphérie de La Flèche, avec les mêmes intervenants (c’est là : ), Dominique Lalanne, d’Abolition des armes nucléaires, et Gérard Halie, du Mouvement de la Paix.

Au Mans, SdN 72 inaugurait non seulement une premier partenariat avec le Colisée [1], mais surtout une seconde mise en débat de l’opportunité de l’arme nucléaire et du concept de dissuasion, « clé de voûte de notre stratégie de défense ». CQFD !

Le film « noir » et nos nuits blanches

Dès l’entrée, le ton était donné. Une étonnante « ouvreuse » arborant un masque dit neutre et tenue macabre (photo). Dominique Lalanne est derrière. Ici, comme le premier vendredi de chaque mois devant le ministère de la Défense nationale, avec quelques militant·e·s d’Abolition des armes nucléaires – Maison de vigilance, il a revêtu la tenue de certaines vigies qui ne manquent pas d’interpeller badauds et personnel du ministère. L’effet fonctionne ici aussi ! Plus d’une quarantaine de personnes s’est intéressée à ce questionnement stratégique, philosophique, humaniste majeur qu’est l’arme nucléaire. Autant le dire, pas assez, en ces heures où les rodomontades apocalyptiques grondent de toutes parts entre les USA [2], la Corée du Nord, la Russie [3], l’Iran, la Chine… Et soumission de certains pays — dont la France — aux injonctions de l’Oncle Sam aux membres de l’OTAN de passer leur budget défense à au moins 2 % de leur PIB. Quant à l’inutile et dispendieuse modernisation des deux composantes (navale [4] et aérienne) de l’arsenal nucléaire français, il engloutira 25 milliards d’euros pour la période 2019-2023 (37 milliards dans les décennies à venir) !

Les intervenants

Le débat introduit par Coralie Charriau (gérante du Colisée) était animé par les deux coprésidents de SdN 72, Martial Château et Thierry Touche, complétés des deux intervenants pointus, aussi représentants de l’ICAN [5] (Prix Nobel de la Paix 2017) :

— Dominique Lalanne, d’Abolition des armes nucléaires, par ailleurs représentant français de l’ICAN.

— Gérard Halie, du Mouvement de la Paix, lui aussi, représentant français de l’ICAN.

Nous avions consacré un paragraphe plus complet à leur parcours militant respectif, ici (sous-titre Le quatrième mur : deuxième paragraphe).

Le film

Merci de vous reporter à la présentation du film faite à l’occasion de son premier passage à La Flèche, là  (sous-titre : Le film).

Échange de points de vue

Perspectives. — Le Traité d’interdiction de l’arme nucléaire (TIAN), qui a valu le Prix Nobel de la Paix 2017 à l’ICAN [ibid 5] auquel les deux intervenants de la soirée ont contribué aux négociations, a bien sûr été un axe important de la réflexion de la soirée. Cession de rattrapage : 123 des 192 États membres l’ont signé (seuls les Pays-Bas ont voté contre, les autres pays dotés de l’arme nucléaire ou sous la tutelle de l’OTAN l’ont boudé, boycotté et/ou lutté contre, dont la France). Il est maintenant ouvert à deux procédures toujours longues : la signature, puis la ratification des États. 57 l’ont signé, 7 seulement l’ont ratifié pour l’instant mais ce rythme est normal ! Le traité s’appliquera dès la cinquantième ratification… sans pour autant contraindre les autres ! Mais nos deux bretteurs en sont convaincus, il devient dorénavant un outil sérieux à la main des États non dotés (sans armes nucléaires), des ONG et des opinions publiques. Soit une différence fondamentale avec le Traité de non-prolifération (TNP) — signé par les États dotés — mais qui ne mettent surtout rien de conséquent en œuvre pour respecter l’esprit et la lettre de l’article VI dudit TNP qui — normalement — les oblige [6]. Certes, les deux pays qui, hier, collationnaient 95 % des armes nucléaires ont quasiment divisé leur arsenal par quatre pour n’en conserver « que » 15 000 à eux deux… Chacune étant par ailleurs infiniment plus puissante que celle de Nagasaki ! Juste de quoi pulvériser de multiples fois la planète. L’arsenal a certes été réduit quantitativement mais a, « qualitativement » décuplé, via une modernisation, en puissance, précision, distance, nombre de têtes, leurres…

Déconvenues. — La possession de l’arme nucléaire n’a nullement empêché la prolifération (Chine, Inde, Pakistan, Israël) ni les velléités de l’obtenir (Iran, Corée du Nord, Arabie Saoudite, Japon). Le mensonge de la supposée possession de cette arme par l’Irak a même été le prétexte d’une intervention (géostratégiquement et pétrochimiquement intéressée) classique ! Notre pays intervient toujours militairement pour la préservation de son approvisionnement en matières premières diverses (dont l’uranium) au Mali et au Niger, pactise avec les pires tyrans dont celui du Kazakhstan au seul besoin d’approvisionner ses centrales civi-militaires. Nonobstant, nos pompeux « marqueurs de puissance » ne nous ont nullement dissuadé de la nébuleuse terroriste confessionnelle, mais a, bien au contraire, accentué notre vulnérabilité. Réacteurs, piscines, transports de déchets sont désormais autant de tendons d’Achille des pays nucléarisés. En premier : la France !

Retenez-moi ou j’fais un malheur. — L’angle conceptuel de la dissuasion, « clé de voûte » (cf. chapeau) des pays dotés, a lui-même souvent été revisité. « Normal », la dissuasion est un champ notionnel d’ordre psychologique d’analyse subjective, ni testable ni vérifiable. Quelques constats s’imposent quand même. En 1982, l’Argentine ne s’était pas interdit de débarquer aux Malouines malgré l’arme atomique de la perfide Albion, ni la Syrie et l’Égypte d’attaquer Israël en 1973. Trump plaide désormais pour des armes nucléaires d’emploi (devenant du coup des armes offensives) disqualifiant toute efficience du concept de dissuasion nucléaire. La France, quant à elle, roule actuellement pour une notion proche, intellectuellement tortueuse : la stratégie d’« ultime avertissement ». Soit tirer une première semonce contre l’entité menaçante ou portant atteinte à nos intérêts vitaux, pour rétablir la dissuasion… ou l’apocalypse !

« Marronnier ». — Comme à La Flèche, le sort des vétérans (civils et militaires) des essais nucléaires français (aériens et souterrains) est revenu dans le débat. Aussi, les accidents d’armes embarquées (sans explosion, mais parfois avec contaminations), les erreurs d’interprétation (avérées par des documents déclassifiés) de signaux attestant de l’usage de l’arme, fort heureusement décelées et stoppées pour l’instant avant toute riposte (dont la fameuse réponse à la vraie fausse alerte atomique désengagée par Stanislav Petrov [7]). Signalons encore un frémissement de certaines des 298 institutions financières identifiées (en France : Crédit Agricole, Axa, BNP Paribas), soucieuses de leur image, peu ou prou responsables du maintien et de la modernisation des programmes nucléaires militaires.


Le site La bombe et nous (la bande annonce, des extraits, des réflexions, des citations, des chiffres, le calendrier… rapides et efficaces), c’est là : . La bande annonce est aussi là : . L’ICAN, c’est ici : . Abolition des armes nucléaires, là : . Le Mouvement de la Paix : . En sommeil depuis ?… Le Mouvement de la Paix Sarthe pourrait renaître de cette soirée ouverte proposée par SdN 72. Lien provisoire : Maurice Herin (militant connu de tous), maurice.herin@wanadoo.fr.


Avec cinq autres organisations (Abolition des armes nucléaire, ICAN, Attac, WILPF et le MAN), le Réseau Sortir du nucléaire a lancé une « Campagne 2018 pour l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires ». Une des actions de cette campagne consiste à envoyer massivement des cartes postales aux autorités, au personnel politique, amis, connaissances… pour inciter « la France à signer le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Un lot de cinq cartes illustrées par des humoristes sur des approches différentes sont disponibles (La dissuasion nucléaire c’est : gaspillage de l’argent public (cf. carte ci-contre) ; dangereux et polluant ; accroître les tensions ; du bluff ; antidémocratique !). Découvrir, commander et/ou auto-imprimer ces cartes postales soi-même, c’est là : (cartes gratuites, mais 1 € de frais de port). Découvrir l’infographie de l’interdiction des armes nucléaires à leur élimination, c’est là : . Signer la pétition en ligne (sur le site du Réseau SdN) pour la signature du TIAN par la France, c’est là : .


[1] La seconde sera ce même mois, le 21 avril, avec le film Le couvercle du soleil de Furoshi Sato, au Colisée donc, à 20 h 30 (durée du film : 1 h 30 mn + débat) avec le journaliste franco-japonais Kolin Koyabashi, militant d’Écoéchange et organisateur de la visite de Naoto Kan en France (ex-Premier ministre du Japon au moment de la catastrophe de Fukushima — narrée dans ce film — et désormais repenti du nucléaire). Sa visite en France est là : .

[2] Nouvelles armes nucléaires… d’emploi ! Dévoilée le 2 février 2018, la nouvelle doctrine militaire des États-Unis envisage la possibilité d’une réponse nucléaire à certaines attaques conventionnelles et l’utilisation d’armes d’une faible puissance.

[3] Nouvelles capacités revendiquées par la Russie : armes nucléaires de portée intercontinentales dites « indestructibles », des missiles de croisière équipés de petites ogives nucléaires, des drones nucléaires sous-marins, un missile supersonique…

[4] La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit la construction d’un cinquième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Barracuda. Quatre sont déjà en cours de construction chez Naval Group, à Cherbourg. Le Suffren, prototype et premier de la série, devrait être livré et mis en service en 2020.

[5] « International Campaign to Abolish Nuclear weapons » (Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires).

[6] Art. VI du TNP : « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. »

[7] En 1983, un satellite soviétique avait confondu la chaleur des rayons du soleil avec celle d’un missile américain, manquant de peu de déclencher un tir de riposte  !


Visuel : le Colisée (pour agrandir, cliquer dessus). Dessin : Dalaine (à découvrir sur Facebook). Carte : Red (pour collectif d’assos cf. ci-dessus). Crédit photo : SdN 72 (ici, Dominique Lalanne, cf. plus haut).