» Le nuage radioactif « , un livre de Benjamin Berton


 Rentrée de septembre 2014 — Sarthe (l’auteur  est sarthois) et plus

Septembre ! C’est la rentrée, avec, côté littéraire, ses 607 romans !  Pas moins ! Dont des  » producteurs  » locaux ! De quoi ravir les salariés des entreprises Brodard et Taupin de La Flèche et Floch à Mayenne (actuellement en difficulté).

nuage-radioactif-b-bertonParmi ces ouvrages, il en est un dont le titre, Le nuage radioactif, nous interpelle forcément, d’autant que l’auteur est manceau (depuis douze ans, il travaille à la Sécurité sociale) et que l’intrigue part du Mans, via la centrale nucléaire de Chinon-Avoine (1), les châteaux et les bords de la Loire (Ussé, Tours), pour un épilogue à Saint-Léonard-des-Bois. C’est le septième roman de Benjamin Berton, prix Goncourt du premier roman, en 2000, pour Sauvageons. D’habitude publié chez Gallimard, cette fois aux Editions Ring, sur fond de deux polémiques ! (2)

Le pitch ! Un père, Denis Caplan, plaque tout et s’en va soustraire son fils à son ancienne compagne. Avec lui, muni d’un maigre trésor de guerre subtilisé à son dernier employeur, il entame une escapade qui s’apparente à une quête : la double découverte de lui-même et celle de son rejeton. Le duo va d’abord évoluer autour de la centrale nucléaire de Chinon d’où s’observent déjà d’inquiétantes mutations. Puis, il vont suivre la traîne du panache bleu électrique émis par l’évaporation des eaux des tours de refroidissement de la centrale et  » dériver  » avec lui. Leur chemin va croiser de mystérieux et improbables personnages, fortuitement plongés dans un monde en déclin et anxiogène, dont certains vont emboîter leur chevauchée et révéler des êtres égarés, atypiques, dérangés et déjantés, jusqu’au père qui va se révéler lui-même un hyper-violent. L’échappée belle va trouver son apogée dans  » l’excursion «  (3) de la centrale et la fuite du groupe de survivants dans un bunker anti-atomique du jardin botanique de Tours. L’épilogue nous projette des décennies plus tard dans le cône territorial impacté par la catastrophe. Un monde replié, rétrécit, un brin survivaliste, mais apaisé semble-t-il. Après Fukushima, qu’a apprit le reste du monde au-delà de cette zone ? 

Dans ce road-book ligérien, Benjamin Berton nous embarque dans une anticipation sociale désabusée (parfois qualifiée de houellebecquienne, qui ajoute à mon scepticisme) aux limites du vraisemblable et du fantastique, dont on souhaite ardemment ne jamais franchir la ligne continue. Tout le sens de notre engagement, hic et nunc, contre le nucléaire civil et militaire.

Le nuage radioactif, de Benjamin Berton, Editions Ring, 396 p., 19,95 €.


Ce livre fait aussi partie des huit livres sélectionnés pour le 3e Prix de la Sarthe, patronné par le conseil général de la Sarthe, et le concours de l’académie du Maine (ce prix récompense les ouvrages sur la Sarthe ou écrits par des Sarthois-e-s). C’est Pierre Ballester qui l’a remporté pour son ouvrage L’Amazone – À la recherche de la femme au bord de paupière noir (Éd. La Martinière, 2013).


Ce bouquin est aussi un concept en lui-même qui l’emprunte aux bonus DVD et aux flagellations autocompensées d’un Yann Arthus-Bertrand.
— Dans les additifs, on y trouve une BD de Kevin Cannon (auteur du roman graphique Far Aden), une play list de Aaron Copland (à écouter sur internet) et une vidéo  (sur le site des Editions Ring).

— Effet marketing ou pas ? Pour faire de l’ombre aux liseuses ou pas ? Le livre est aussi éco-compensé. Un euro sera versé tous les vingt-cinq exemplaires vendus à l’association Planète Urgence pour planter des arbres !


(1) SDN 72 a d’ailleurs participé à l’organisation et à la manifestation antinucléaire dans cette ville, ce 16 avril 2014. C’est là : .

Polémique 1. Fortuitement, ce livre met aussi en scène un personnage se réclamant du « loup solitaire » norvégien Anders Breivik (d’extrême-droite), fasciste brindezingue de la gâchette, assassin de soixante-dix-sept Norvégiens à Oslo et sur l’île d’Utøya (22 juillet 2011). Or, le comité de lecture des Éditions Gallimard viennent justement de traverser une forte crise à propos de l’ouvrage de l’un de ses membres, Richard Millet, auteur de L’éloge littéraire d’Anders Breivik, qui a démissionné depuis. D’où le probable refus du comité de lecture d’éditer le dernier manuscrit de B. Berton.

Polémique 2. Ce dernier va donc se faire voir ailleurs, et, au final, se fait éditer chez Ring. En milieux avertis, la jeune maison d’édition Ring sent le soufre ! En 2013, Ring a notamment publié La France orange mécanique,  de  Laurent Obertone, encensé par la famille Le Pen… qualifié par le MRAP de « tapis rouge pour idées brunes ». Pour faire très court : à partir de faits divers, montée de l’ultraviolence en quantité et en intensité. En cause, selon lui : laxisme judiciaire, laxisme de l’Etat et immigration massive. Dès lors, le livre de Benjamin Berton se retrouve entaché d’une suspicion.

(3) Excursion (dans l’obscur langage des nuclérocrates) : dans cette acception, le mot signifie une explosion du cœur du réacteur. Tellement improbable, selon eux, qu’ils ont préféré masquer le mot explosion par un mot plus neutre et beaucoup moins signifiant pour le citoyen lambda.


Crédit photo : couverture capturée sur internet.