16 février 2023, à Tours : réflexion, déambulation et charivari devant la – feue – réunion publique autosabordée de la CNDP


Jeudi 16 février 2023 — Tours

La nouvelle de l’annulation de la 9e réunion publique (cf. ci-dessous) autour du programme de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR 2 programmée à Tours par la Commission nationale du débat public a quelque peu pris à contrepied les velléités « poliorcétiques » des opposant·e·s au nucléaire.

Privés d’un « siège » en bonne et due forme et de généreux claquages de porte prévu par une part des inscrits peu après le lancement dudit débat [1], la réflexion sur l’avenir du mouvement et la manifestations contre la relance du nucléaire ont néanmoins été maintenues et le projet transformé. 

Tour (antinuke) à Tours 

L’après-midi fut consacré aux échanges sur l’avenir, la transmission, les moyens et modes d’action du mouvement antinucléaire au centre de vie Sanitas à Tours. Ensuite, vers 16 h 30, plus de 150 des détracteurs de l’énergie nucléaire [2] (près de 200 selon certains commentateurs) venu·e·s d’un peu partout ont arpenté les rues de la ville jusqu’à la salle polyvalente Paul-Texier, place Gaston-Paillhou, où devait se tenir le débat public initial. Une douzaine de la Sarthe étaient de ceux-là [3], bien qu’affligés (comme beaucoup d’autres) de sécher les rendez-vous du jour sur la réforme des retraites. Deux thèmes qui ont toutefois été habilement repris, détournés et entonnés dans le cortège contre cette relance menée au pas de charge en sommant l’exécutif de mettre pêle-mêle le nucléaire à la retraite et/ou les réacteurs à la réforme (cf. visuel ci-contre).

Outre le fatras habituel et le tohu-bohu lié à toute manifestation qui se respecte : slogans, banderoles, chants, déguisements, sacs et bidons de déchets radioactifs, donnant le cachet festif et son apport imaginatif à ce défilé, le chaud bouillant cortège arborait aussi des symboles plus funèbres avec dix-huit bouquets de fleurs et rubans de deuil nominalement dédiés à autant de centrales en fonctionnement et désormais implicitement promises à une retraite… différée à 60, voire 80 ans (!) si d’aventure la pression populaire n’interfère pas fermement. En sautoir de l’estrade ceinte de cette couronne fleurie, la bannière « Adieu le nucléaire » adressée à toute la filière qu’on retrouvera en calligraphie japonaise sur le makémono du collectif de ressortissant·e·s japonais·e·s : Yosomono-net créé après la catastrophe de Fukushima, c’est là :  (2mn 18’).

Des discours, on retiendra ceux d’un travailleur du nucléaire et de Catherine Fumé (SdN Berry-Gienois-Puisage, LVZn, Comité Centrales) sur l’eau et les centrales, dont vous pouvez retrouver le propos ici : , les interviews directes et in situ sous le barnum de Greenpeace Tours, c’est là : , la chorale et un one man show d’un militant antiCigéo de Bure dans la Meuse (limite Haute-Marne), et pour la touche finale, une régalade proposée par la Louche finale (merci à elles et eux). Signalons aussi au titre de la convergence des luttes la présence d’un tracteur de la Confédération paysanne, de Sud Solidaires, etc.

Une dizaine de collectifs étaient à la manoeuvre pour mitonner ce rendez-vous. Vous en identifierez quelques-uns via la vidéo (supra) à leur banderole. Retrouvez l’ensemble des collectifs, association et groupe d’individus dans l’appel au rassemblement reproduit ci-dessous.

Un énième débat « sans filtre », fort de café !

Ce débat public et celui de Rouen (prévu le 27) ont été annulés par la présidente de la CNDP (supra) Chantal Jouanno (et Michel Badré, président de la commission — particulière — en charge du débat public) et transposés en un seul autre, de forme et contenu différent (cf. : l’Appel au rassemblement de Tours ci-dessous). L’Autorité administrative « indépendante » (l’AAI) que Mme Jouanno incarne avait de quoi s’offusquer. Un an plus tôt, à Belfort, Macron a annoncé le « prolongement de tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être sans rien céder sur la sûreté », la construction de « six EPR 2 » et lancer « l’étude sur la construction de huit EPR 2 additionnels », puis enclenché l’accélération des procédures de construction de nouvelles installations nucléaires, des plans de formation, etc. La coupe a débordé en janvier 2023 (le 18) quand la majorité nucléophile zélée du Sénat s’est employée à détricoter la loi de transition énergétique adoptée sous François Hollande,  en 2015, fixant le mix électrique d’origine nucléaire à 50 % à l’horizon 2025. L’objectif a ensuite été réaffirmé par la loi énergie-climat adoptée en 2019 (premier quinquennat d’Emmanuel Macron), bien qu’en 2017, le ministre de l’Écologie d’Emmanuel Macron d’alors, Nicolas Hulot, ait repoussé cette date butoir… à 2035 (exit la fermeture de quatorze réacteurs et porte ouverte à la construction de nouveaux EPR). Le parlement aura quand même lui aussi à en délibérer. Le même jour, le Sénat déplafonnera également la production nucléaire française à 63,2 gigawatts (GW) ouvrant la porte à toujours plus de production et de réacteurs (neufs et/ou vieux). Le 3 février, Emmanuel Macron va également ressuscité et réunir le conseil de politique nucléaire à l’Élysée, induisant plus encore — s’il en était besoin —  l’impression d’une décision déjà prise, quoi qu’il ressorte de la compilation des avis des participant·e·s au débat public.

Pour avoir été respectivement secrétaire d’État chargée de l’écologie sous N. Sarkozy, du gouvernement F. Fillon II, ministre de la jeunesse et des sports F. Fillon III, encartée UMP puis UDI et avoir appelé au rassemblement autour de Macron après sa nomination à la CNDP, on est pourtant en droit de penser que Chantal Jouanno, aussi « insubordonnée » soit-elle, épouse la nucléophilie de ses mentors et de leurs officines politiques. Pour être « courageux », ce coup de pied de l’âne au président de la République qui l’a nommée par décret (le 19 mars 2018) intervient cependant bien tardivement puisque son mandat prendra fin en mai 2023…

Comme ses prédécesseurs, Macron dispose de quantité de rapports sur l’énergie, le nucléaire, les EnR de chercheurs, universitaires, essayistes, journalistes, associations, ONG, voire  conventions, qui s’amoncellent dans les remises de l’Élysée. Deux organismes d’État, l’ADEME et RTE, ont également finalisé des scénarios de sortie totale du nucléaire à l’horizon 2050 vite mis sous le boisseau sans plus de considération. Macron surjoue encore et toujours la concertation alors que SA décision est d’ores et déjà prise — accompagnée par le toujours zélé Sénat et autres lobbies, affidés… en matière nucléaire —, les mesures d’accélération sérieusement enclenchées jusqu’à inféoder et domesticiser l’IRSN (fusion-absorption) à l’ASN et au CEA [note 4 pour tous les acronymes ]. Autant de mesures confondant — dangereusement — vitesse et précipitation. Ça a le goût de la démocratie, la couleur de la démocratie, l’odeur de la démocratie… mais ça a tout de l’autocratie.


Retrouvez une des captations vidéo de cette manifestation faite par TV Tours disponible sur Dailymotion, ici : .


La résistance contre la relance, la dépense, la démence, la défiance… nucléaire doit donc se poursuivre en se diversifiant, s’inventant, s’intensifiant…

Prochainement une Vélo-Castor (déchets nukes) de Loire, sur trois jours, les 17, 18 et 19 mars, va remonter l’estuaire de la Loire, de Paimboeuf à Basse-Indre, l’occasion de mêler sport, nature et militantisme. Pour plus d’informations, c’est là : .

Dans le cadre de la campagne « Réveillez les esprits antinucléaires » SdN 72 proposera pour sa part la projection du film « Notre terre mourra proprement », suivi d’un échange avec sa productrice Catherine Fumé le 13 avril, à 20 heures, salle Pierre-Perret, au Mans. Elle sera ensuite au festival «  Avant qu’ça pète », en Mayenne, les deux jours suivants.

Le samedi 3 juin, aux frontières des départements de la Meuse, de la Haute-Marne et des Vosges, différents groupes et collectifs appellent également à une vaste et somptueuse opération de convergence contre Cigéo, le nucléaire et son monde. D’avance, réservez cette date !


Notes

[1] Du coup, le redondant dissentiment entre opposants et proposants s’en est trouvé ajourné. Auparavant, la fédération d’associations de l’environnement Adelpha, Greenpeace et le réseau Sortir du nucléaire avaient dénoncé et renoncé à poursuivre ce simulacre de débat. Craignant des troubles aux débats de Lille le 26 janvier et de Lyon le 2 février, la CNDP les avait également annulés.

[2] Énergie fissile et/ou fossile et donc extractiviste elle aussi !

[3] À la mi novembre 2022, SdN 72 avait déjà participé à un piquet antinuke devant la 34e conférence des CLIs, Commissions locales d’information sur les équipement nucléaires civils, décentralisée à Tours. Cette conférence était organisée conjointement par l’ASN, Autorité de sûreté nucléaire, et l’ANCCLI, Association nationale des comités et commissions locales d’information (nous n’en n’avons pas rendu compte sur ce site).

[4] Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. RTE : Réseau de transport d’électricité. IRSN : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. ASN : Autorité de sûreté nucléaire. CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.


Visuels : des collectifs organisateurs. Photos : SdN Berry-Giennois-Puisaye et SdN 72.