Centrale solaire (au sol) « Les Caves » à Grandchamp


Mars 2021 – Grandchamp, nord de la Sarthe

En 2020, la capacité électrique solaire franco-française a plafonné à 11 400 mégawatts. Bien en-deçà de pays voisins pourtant moins choyés par l’astre solaire.

Moins bien lotie encore, la part des énergies renouvelables produites en Sarthe et du solaire en particulier progresse lentement mais ne végète plus comme cela a trop longtemps été le cas. Plusieurs centrales photovoltaïques ont vu le jour ces dernières années sur notre territoire. D’autres (plus puissantes) vont être raccordées dans l’année (Vaas/Aubigné-Racan, Aubigné-Racan (bis), gare de triage du Mans-Arnage). D’anciennes décharges, d’ex-carrières, des toits d’écoles, de gymnases, d’entreprises… sont ou vont être mis à profit (parfois, dans les deux acceptions du mot). Même les plus petites communes y vont de leurs ombrières [1].

Parent pauvre de l’aubaine : le solaire thermique !

Décharge électrique 

Une nouvelle ferme solaire en terre sarthoise a été connectée au réseau,  en février de cette année 2021, à Granchamp. Initié dès 2010, la demande de permis de construire de cette nouvelle centrale remonte à la mi-juillet 2013. Nous avions d’ailleurs abordé ce projet en mai 2014, ici : . L’enquête d’utilité publique a été ouverte du 28/1/2014 au 28/2/2014). L’arrêté préfectoral du 22 mai 2014 accordant ce permis de construire au nom de l’État, validé pour une période de cinq ans, a dû être prorogé d’autant par un arrêté en date du 3 avril 2019. Il aura donc fallu près de huit à onze ans pour que cette intention, pourtant bien accueillie par la population [2], les collectivités, l’administration et les corps intermédiaires, aboutisse !

Les travaux commencés à l’été 2020 sont terminés depuis fin janvier. Ce nouveau centre de production électrique à partir de cellules photovoltaïques se situe au lieudit « Les Caves », à Grandchamp (entre la départementale D 310 et, dans le désordre, la D 130). L’accès direct passe par le chemin rural n° 19 (qui a été réempierré). Surprise ! Ici, le lieudit « Les Caves » est plutôt un tertre, voire une motte contemporaine, résultat de l’accumulation de trois décennies d’immondices ménagers hérités d’une consommation effrénée et glissés sous le tapis. Explication.

Fermé en juin 2002, le lieu a été une ISDND (Installation de stockage de déchets non-dangereux) ou CET (Centre d’enfouissement technique) de 1974 à 2002. Il recueillait des ordures ménagères résiduelles des communes des alentours [3]. « Réhabilité » de 2002 à 2005 et recouvert d’une couche argileuse d’une vingtaine de centimètres, il est toujours, et pour une période minimum de trente ans, en phase de post-exploitation. Une obligation réglementaire impliquant un suivi visant notamment à gérer les lixiviats et les émissions de biogaz pour en maîtriser les impacts. Artificialisé, le site ne présente donc aucun conflit d’usage pour l’agriculture ou la construction avant longtemps.

Grand champ photovoltaïque

Propriétaire du terrain, la commune a retenu l’entreprise IEL (Initiatives & Énergies Locales photovoltaïques) Exploitation 33 pour développer, financer, construire, entretenir, puis exploiter ce nouveau parc sur son terrain de 4,12 ha qu’elle lui loue. La centrale photovoltaïque du groupe breton (de Saint-Brieuc) n’en occupe cependant que 2,7 ha utiles.

Dorénavant, l’ex-décharge accueille 5 236 panneaux photovoltaïques de 2 m² chacun, soit 10.472 m² au total, pour au moins vingt ans (par contrat emphytéotique renouvelable), montés sur 308 structures métalliques portantes. Des structures fixes, inclinées à 25° en permanence. Ces panneaux- là ne suivent donc pas la courbe du soleil (un surcoût d’équipement et d’installation qui améliorent la production d’environ 25 %). Les modules sont de type silicium polycristallin (au process gourmand en énergie) de facture norvégienne (le seul pays, au moment du marché [selon l’exploitant] à pouvoir tenir les valeurs de bilan carbone). L’assemblage des panneaux est asiatique. En l’état, le temps de retour énergétique (durée de production requise permettant de compenser l’énergie grise nécessaire à la réalisation du projet) est estimée par l’exploitant à moins de trois années.

Particularité : le couvert végétal de ce qui demeure une décharge (d’ordures ménagères) ne pouvant être « poinçonné » au-delà de 20 cm excluait de fait une fixation sur pieux battus (supra). Par conséquent, chacune des armatures repose sur des plots en béton plantés d’espars calibrés pour un platelage savamment dressé mis au point par une entreprise allemande spécialisée. Pour peu, sous certains angles, son onde bleutée nous rapprocherait de l’océan et en journée les « rayons verts » y sont visibles à plein temps !

La puissance installée de cette nouvelle ferme photovoltaïque est de 1,834 mégawatt crête (MWc). La production annuelle (estimée) est de 2 170 000 kWh. Soit (estimation IEL) la consommation d’environ 620 personnes (pour information, la population de Grandchamp était de 153 habitants en 2018), chauffage électrique inclus [4]. Hors chauffage, cette fois, le maître d’ouvrage évalue la production pour une consommation moyenne de 830 foyers. Une représentation forcément et peut-être volontairement brouillée (par la filière énergie) quand les paramètres incluent ou pas un chauffage plus eau chaude électrique et que l’estimation est rapportée à une consommation moyenne individuelle ou par foyer. Et ce n’est pas tout ! L’avenir, promis à plus de mobilité électrique, semble aussi promis à encore plus d’embrouilles. Comparaison n’étant pas raison, la fiche presse compare cette production à l’équivalent de « la recharge de 770 véhicules électriques totalisant 8,5 millions de km/an » (approximativement 11 040 km/an/véhicule).

Pour en terminer avec son infrastructure, la ferme solaire est flanquée de cinq locaux préfabriqués, dont quatre postes électriques et un poste de livraison. Poste qui a l’avantage de disposer d’un raccordement au réseau EDF relativement proche, à 700 m, via le chemin n° 19 (supra). Le site est évidemment sous vidéosurveillance (photos dans l’amalgame) et bouclé par une clôture (sans passage faunistique) en retrait de la précédente, relativement dégradée. Une citerne souple (photo dans l’amalgame) de ??? d’eau est aussi à la disposition du SDIS local (Service départemental d’incendie et de secours), selon la nature du sinistre. Les exploitants ont désormais l’obligation de provisionner le démantèlement futur de l’installation et d’en valoriser les matériaux. Les panneaux PV le sont actuellement à 94,7 % via la filière PV Cycle avec des points de collecte décentralisés (mais le volume augmentera avec le vieillissement des parcs et induira forcément rapidement d’autres prestataires).

Timbale ?

Le budget d’investissement de la ferme solaire « Les Caves » est d’environ 1 500 000 €. Sur ce projet, aucune participation citoyenne n’a été retenue, au contraire d’un autre projet de centrale solaire de la société IEL à Yvré-l’Évêque.

En 2019, le projet a décroché la timbale ! Candidat d’un appel d’offres national émis par la la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le projet a été désigné lauréat de la cinquième période de l’appel d’offres 2016/S 148-268152 portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrale au sol de puissance comprise entre 500 kWc et 30 MWc », c’est ici : (page 7). Désolé, cette section est mal renseignée. Le prix de reprise du kWh n’est cependant pas mentionné.

Retours pour la commune et les collectivités

Cette installation est évidemment soumise à fiscalité. Pour l’heure, l’information sur les retours — sonnants et trébuchants — pour la commune de Grampchamp, la Communauté de communes des Portes du Maine normand, le département et la région des Pays de la Loire n’a pas été dévoilée, ou nous n’avons pas su la dénicher. Nous reviendrons sur ce manquement si cette information (de vous peut-être) nous parvient.

Droit dans le mur, on accélère

Le passé c’est le passé ! En tire-t-on des enseignements pour autant ? L’excès de consommation d’hier, le tout-emballé, le tout-jetable, l’obsolescence programmée… perdurent. Paradoxalement, les réseaux de chaleur (Le Mans, Alençon, Le Grand-Lucé…) se multiplient via l’incinération et disculpent les plus consuméristes et les shootés à l’indice de croissance.

La France aggrave son retard sur ses voisins européens (les plus avancés) en matière de développement des énergies renouvelables. Idem sur la rénovation énergétique, qui est pourtant une des conditions de la bifurcation écologique vers un modèle énergétique sobre, citoyen et relocalisé.

Si la part du nucléaire baisse légèrement (fermeture des deux réacteurs de Fessenheim, entretien, pannes,  inspections) et que la demande régresse (une régression très circonstancielle due pour beaucoup à la pandémie, plus globalement à l’externalisation des productions, à la mise en œuvre de solutions de productions énergétiques renouvelables et un peu d’efficacité et d’efficience énergétiques, etc.), la nucléocratie [5] n’a de cesse de le prétendre décarboné, de prolonger l’âge de forclusion des centrales, d’en envisager au moins six nouvelles, voire de le faire classé décarboné dans la taxonomie des énergies vertes de l’Union européenne pour en capter des subsides et pallier l’effondrement financier d’EDF.

Si la très modeste et insuffisante loi de transition énergétique d’août 2015 avait concédé de plafonner la filière à un maximum de 63,2 gigawatts et aussi la réduire à 50 % de la capacité de production électrique installée, la coupe est encore loin des lèvres et la date butoir de 2025 a été supprimée par le très dextrogyre Sénat, quand il faudrait aller plus vite et plus loin.

Plusieurs études indépendantes de Négawatt, du Réseau Sortir du nucléaire, de Global Chance… ont  planché sur des scénarios de production d’énergies 100 % renouvelables techniquement et financièrement crédibles à moyen terme. Somme toute, des billevesées d’associatifs et/ou de militants ! Pourtant, des organismes et/ou des établissements publics (sérieux) d’État : l’ADEME (en octobre 2015 [6]), par exemple, ont produit différents scénarios dont certains conduisant à ce même objectif, à la même échéance. L’étude du CIRED (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement), publiée récemment par The Energy Journal, valide elle aussi ces études. Fin janvier 2021, à nouveau, RTE (Réseau de transport d’électricité) et l’AIE (Agence internationale de l’énergie) ont publié une étude [7] sur les conditions d’un système électrique à forte part d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050.

Prérequis incontournables quand même : la sobriété et l’efficacité énergétiques. Il existe donc des alternatives faiblement carbonées, moins dangereuses et moins coûteuses que le nucléaire qui ne l’est de toute façon pas dans son process global.

Avec de la volonté politique, la France a la capacité de sortir du nucléaire.


Notes

[1] Pallier le réchauffement climatique, soucis d’économiser sur les climatisations de voitures, combler les pertes fiscales des communes (ex-taxes professionnelle et d’habitation), proposer des points de recharge « branchées »  pour les « nouvelles mobilités » partout, les ombrières privées et/ou municipalisées s’inventent, se répandent et deviennent plus incontournables encore que les ronds-points.

[2] Mieux en tout cas que le parc éolien voisin de Thoiré-sous-Contensor ou le redimensionnement d’un méthaniseur industriel à Saint-Paterne-Le Chevain, à 12 km.

[3] La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 prévoit de réduire de 50 % la quantité de déchets mis en décharge à l’horizon 2025 et de découpler progressivement la croissance économique et la consommation de matières premières. Où en est-on ?

[4] Une hérésie avec laquelle on va renouer cette année même avec le retour en grâce du chauffage électrique dans le bâti neuf quand il en avait été quasi écarté de 2013 à 2020 par la réglementation thermique RT2012, fortement pénalisante.

[5] Son spectre est très large, gagnant même les panels les mieux intentionnés s’agissant du climat. Si la communication demeure multiforme, les influenceurs multimédias sont aujourd’hui fortement mis à contribution. J-M Jancovici (reçu en grande pompe à Sablé le 31 mai) est l’un des faux-nez de cette duplicité communicante. Notre article et ses liens sont ici : .

[6] L’étude pour  un «  Mix électrique 100 % renouvelable à 2050 » avait fortement fuité dès avril, mais elle avait vite été mise sous le boisseau pour cause de débat au Parlement sur la loi de transition énergétique !

[7] Une étude commanditée par le ministère de la Transition écologique, fin 2019, qui valide un possible passage au 100 % renouvelable d’ici à 2050. Ce rapport sera complété par huit scénarios plus précis en octobre prochain.


Crédit photos : SdN 72.

Soit : la TFB, Taxe foncière sur les propriétés bâties et la CTE, Cotisation foncière des entreprises et la CET contribution économique territoriale.« mains dans le cambouis », climatistes, verdistes…