13 avril 2023 – Notre terre mourra proprement, film commenté par sa coréalisatrice C. Fumé, suivi de son débat


Jeudi 13 avril 2023, à 20 heures – Le Mans, salle Pierre-Perret

Ce jeudi 13 avril, dans le cadre de la tournée « Réveillez les esprits antinucléaires », souhaitée dynamisante, Sortir du nucléaire 72, Greenpeace 72, Attac 72 et Alternatiba 72 proposaient la projection d’une présentation raccourcie [1] et commentée par la coréalisatrice du film Notre terre mourra proprement. Des échanges ont suivi, en fin de séance, entre le public, Catherine Fumé et Martial Château de SdN 72.

Un individu averti en vaut deux

Près de trente personnes présentes pour cette projection d’extraits choisis complémentés des commentaires de sa coréalisatrice. Un public composite avec  de nouvelle têtes et une belle fourchette générationnelle qui s’étale du printemps avancé de la vie au proche de l’hiver. Aussi, des échanges pertinents sur l’ampleur et la nature des combats menés hier et ceux promis au calendrier de la relance à venir.

La temporalité très chargée du nucléaire mérite évidemment qu’on se remette tous, vite et intensément, à l’ouvrage. Qu’on songe un tant soit peu aux multiples équipements vieillis et dégradés des outils de production de cette énergie [2], aux défauts du présent EPR de Flamanville [3], au controversé centre d’enfouissement de Bure (Cigéo, récemment déclaré d’utilité publique), au manque d’anticipation de la saturation des « piscines » d’entreposage de combustibles nucléaires usés à La Hague [4], et malgré ça, de la relance de l’activité nucléaire via les futurs clones du susdit EPR dont l’exigence de sécurité sera en plus revue à la baisse (double enceinte, radier..) ! Un engagement qui nous implique — nous, nos descendants et la planète — pour les siècles à venir, pris sans débat préalable sur les réels besoins énergétiques des Français·e·s, ni consultation, et avant même le débat public initié par la Commission nationale du débat public (CNDP) qui s’en est d’ailleurs fortement agacée.

Bien profond ! (sous-titre emprunté à une coordination anti-enfouissement)

Le documentaire Notre terre mourra proprement revient sur plus de quatre décennies de diverses tentatives pour trouver des terres d’accueil aux déchets moyennement à très fortement radioactifs
( à vie longue, voire très longue) dans diverses couches géologiques : argile, granite, schiste, et, à défaut, pour imposer ces centres d’enfouissement aux populations. Prénotion, prépotence, invasivité… de l’État et de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) vont provoquer à maints endroits une levée de boucliers, notamment des milieux ruraux. Des territoires délaissés, peu peuplés, évidemment retenus pour minimiser tous risques pour les populations, puis, ostensiblement tous risques de rejets des projets venus de cette population elle-même. Moins d’habitants étant corrélés à moins d’opposition ! Ça n’aura pas été le cas partout ! Dans notre proche environnement, Izé en Mayenne, en 2000, à seulement 12 km de Sillé-le-Guillaume, et Le Bourg-d’Iré en Maine-et-Loire (1987à 1990) [5], à une soixantaine de kilomètres de Sablé, furent de ces « trous perdus » envisagés (comme beaucoup d’autres, note infra) pour y précipiter les déchets radioactifs du pays. Contre toute attente, ces territoires vont s’indigner puis se cabrer. Dans les pas des Paysans du Larzac, des Pilleurs d’épaves de Plogoff, des Lip (Besançon), des Pil (Cerizay 79)… sans agressivité, l’inventivité, l’audace, l’imagination… l’artillerie paysanne en soutien (tracteurs, engins agricoles…), un soulèvement désarmé, populaire, mais en résistance. Une détermination chevillée au corps qui a « étonnamment étonné » aspirants et aguerris des luttes d’aujourd’hui présents à cette soirée.

Preuve que ce travail de mémoire était nécessaire, revigorant et régénérant pour ceux qui ne renoncent jamais et stimulant pour ceux qui se questionnent encore. Il valide, s’il en était besoin, que seules les luttes qu’on ne mènent pas sont perdues d’avance. Beaucoup des batailles sur l’enfouissement ont été gagnées. Puisse le rappel de ces résistances rurales et populaires inspirantes mobiliser des publics qui ne le sont pas encore et re-démontrer si c’était nécessaire qu’à la fin, on ne perd pas toujours.

La relance du nucléaire ? Surtout pas !

Nucléoconservatisme : basta !

Avec un parc en bout de course, l’heure tant attendue de « solder le reste à charge » : fermetures, démantèlements, gestion de cette montagne de déchets radioactifs présents et à venir, semblait venue. Sans daigner faire un bilan objectif de sept décennies d’industrie nucléaire française ni de celui des autres pays nucléarisés dont certains en sont sortis,  les nucléocrates bleus, blancs, rouges et bruns ont décidé de remettre de 51,7 à 57 milliards d’euros dans la machine pour six nouveaux EPR 2 [6] ! 51,7 Mds que ni EDF ni l’État ne possèdent et qu’il faudra peut-être multiplier par six, confère le delta entre le devis du « prototype » de Flamanville et son coût actualisé.


Les deux réalisateurs de ce film-documentaire, Catherine Fumé et François Guerroué, réunis dans le collectif Comité Centrales (c’est là : ), ont souhaité mettre leur travail — rétrospectif et prospectif — à la  disposition de tous. Qu’ils en soient ici remerciés ainsi que tous ceux qui ont accepté de témoigner des décennies après sur ces années de combats déterminés et rassérénants, aussi, d’avoir mis leurs souvenirs, leurs documents et archives à disposition de tous. Ce travail non mercantilisé, libre (vraiment libre), se veut outil d’éducation populaire à proposer sans restriction (durée version longue : 1 h 54 mn). Il est disponible sur leur chaîne Youtube, ici : , mais c’est toujours mieux avec ses « acteurs » et/ou ses réalisateurs.


Notes

[1] Trois quarts d’heure d’extraits choisis entrecoupés d’explications et d’une contextualisation orales.

[2] À l’été 2022, de très nombreux réacteurs étaient à l’arrêt (entretien retardé pour cause de pandémie, inspection et reprise des soudures corrodées, étiage au plus bas des cours d’eau compromettant le refroidissement des centrales tout en aggravant le réchauffement des eaux en aval au-delà des plafonds (et abstraction faite des innombrables additifs chimiques et radioactifs mêlés à ces effluents), etc.

[3] Retards, malfaçons, falsifications des évaluations de fabrication, coûts incommensurables. La France devrait renoncer à sa mise en service. D’autres pays l’ont fait ! Nombre de réacteurs achevés n’ont jamais été connectés : celui de Kalkar, en Allemagne (reconverti en parc d’attractions) ; l’italien de Montalto di Castro ; l’Autrichien de Zwentendorf, sur le Danube (lieu de tournage du film Grand central,  2013) ; l’espagnol de Lemoniz en Bizcay. Pour ne parler QUE de notre continent…

[4] Deux nouvelles ont été envisagées, un temps, à Belleville-sur-Loire qui dans le Cher a rencontré l’hostilité des deux réalisateurs du film, C. Fumé et F. Guerroué, du Comité Centrales et de nombre de militant·e·s anti-nucléaires du coin jusqu’a leur abandon pour le site de La Hague dont les quatre existantes vont être rapidement saturées.

[5] Mais aussi à Saint-Priest-la-Prune dans la Loire, à Bure dans la Meuse, la Bretagne, la Mayenne, le Maine-et-Loire, les Deux-Sèvres, la Vienne, le Gard, la Haute-Marne…

[6] On parle ici de l’intention de Macron de construire — vite — six, puis huit EPR. De l’adoption (par 402 voix contre 130) mardi 21 mars en première lecture par l’Assemblée nationale, du projet de loi de relance du nucléaire, sans toutefois la réforme de la sûreté (fusion de l’IRSN dans l’ASN), avec le soutien du groupe Renaissance, des Républicains, du Rassemblement national et du Parti communiste français. Texte qui consacre l’abandon de l’objectif de réduire le nucléaire à 50 % du mix énergétique, aussi du plafond de sa production à 62,3 GW, du possible allongement de la durée de vie des anciennes centrales et des coûts induits, de la faillite d’EDF, de son incapacité à financer une remise à niveau (impossible par ailleurs) du gérontologique parc existant et moins encore celle de six à quatorze nouveaux EPR.


Visuel : SdN 72 & Comité Centrales. Dessin de presse : Leo Petit (2021). Crédits photos : (1 ère) SdN 72 et (2 & 3 e) Greenpeace Sarthe. Ci dessous, le tract commun aux quatre organisations.