23 mars 2024. – Manif antinuc à Caen : Non au démarrage de l’EPR de Flamanville et à la relance du nucléaire


Samedi 23 mars 2024 – Caen (de la division de l’ASN, quartier de la Pierre-Heuzé, au château, la préfecture et la place du théâtre de Caen)

Après les rassemblements du 10 mars à Paris et du 12 mars à Strasbourg [1], c’était au tour du grand Ouest de se mobiliser ce samedi 23 mars, à Caen, pour presser l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de ne pas autoriser la divergence [2] du « pourrave » EPR de Flamanville et contrarier la relance du nucléaire imposée par la macronie, les lobbies et leurs affidés.

« Trip » à la mode de Caen 

Pourquoi Caen ? Pas pour son « broch » [3] contemporain qui domine la plaine de Caen du haut de la la commune de  Colombelles et que les candides attribuent encore à une tour aéro-réfrigérante de centrale nucléaire. Non ! La « ville aux cents clochers » a été choisie parce qu’elle héberge une division de l’ASN (supra) qui a en charge les Installations nucléaires de base (INB) des cinq départements de la région Normandie [4]. Et, prochainement, de donner – ou pas – son blanc-seing au démarrage du calamiteux EPR de Flamanville. Aval qu’elle donnera assurément, in fine, tant sa dite indépendance est relative. Tout au plus, reste-t-il deux formalités à franchir : une consultation électronique du public (ouverte fissa le 27 mars, pour seulement trois semaines) et la promulgation d’un énième décret du gouvernement prolongeant celui de dix ans émis en 2007 autorisant sa création (repoussée de trois ans, en 2017, puis de quatre en 2020).

C’est là, sur le parvis de ladite Autorité (rue du Recteur-Daure, quartier de la Pierre-Heuzé) que la Coordination  nationale antinucléaire avait choisi de donner rendez-vous aux manifestant·e·s antinucléaires. Aux locaux, bien sûr, mais aussi aux plus éloignés et motivés ! Via des bus affrétés, venus du grand Ouest et même plus, en provenance de : Lannion, Rouen, Cherbourg, Angers (La Flèche,

Le Mans et Alençon sur la route), Nantes ou encore de Paris et les plus nombreux, dispersés, qui sont venus avec leurs propres moyens dont certain·e·s de la Meuse et de la Haute-Marne, mobilisé·e·s sur le projet CIGEO. Partis sous la pluie à plus de 700 au droit du siège de l’ASN, l’effectif est vite monté le long du parcours et a culminé à près de mille (chiffre Ouest-France, 730… selon la police !) pour une première station au pied du château ducal. Avec de nouvelles prises de parole — contenue —  des parties sous une pluie et un vent bien établi, qui nous ont privé du happening « centralo-pyrotechnico-tchernobilien » scénarisé par Jean-Louis. À défaut, la banquette suspendue de la forteresse aura servi de lieu d’exposition aux innombrables pancartes, banderoles et calicots (photo). Le cortège s’est ensuite dirigé vers la préfecture solidement « sécurisée » par les robocops et s’est terminé devant le théâtre, par défaut, le vent nous privant, là encore, du concert prévu sur l’hippodrome. Merci au bien-nommé duo de musiciens manchots, Les Dépanneurs (musique traditionnelle québécoise) qui ont su et pu s’adapter aux circonstances météorologiques.

Aux points fixes : division ASN Normandie, château, préfecture, théâtre, les prises de parole diversifiées et percutantes des groupes et collectifs : la Coordination nationale, bien sûr ; les relais régionaux, CAN-Ouest et GAMA, LVZn ; les groupes : Stop EPR, CRIILAN, Greenpeace, les scientifiques (cf. infra), des individualités…

Retrouver ci-dessous quelques-uns des argumentaires (disponibles) de cette mobilisation :

Le texte d’appel de la Coordination nationale antinucléaire, ici : son texte fondateur : .

Le texte de la prise de parole du CAN-Ouest c’est ici : .

Le texte de la prise de parole du Collectif LVZn c’est là : ▶ pas encore en ligne.

Lu par un Sarthois, le communiqué de presse commun de : l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO, régionale de l’étape, cf. ci-dessous) ; la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) ; Global Chance ; le Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN), que vous pouvez retrouver (entre autres) ici : .

Et bien sûr, ci dessous, le flyer spécifique de cette manifestation.

Ni à moitié vide ni à moitié pleine : la coupe déborde !

Semaine 12

Alors que la coupe était déjà largement pleine, à elles seules, les annonces de la semaine (du 18 au 22 mars) auraient mérité cette mobilisation. De quoi amplifier les axes prédéfinis par la Coordination antinucléaire et déclinaisons régionales. Autant d’items qui, à n’en pas douter, justifieront de nouvelles mobilisations antinucléaires dont celles qui se devront d’être massives en octobre de cette année (normalement le 12, sauf indications contraires).

Adoption en début de semaine, mardi 19 mars par l’Assemblée nationale [5] (après celle du Sénat le 13) de la fusion-dissolution controversée de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de l’expertise technique, dans l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) hyperboliquement dite « gendarme » du nucléaire. Deux entités de la sûreté nucléaire en France qui — sans les additionner — y perdront assurément de leurs prérogatives en n’en faisant bientôt plus qu’une.

Lundi 18 mars, le ministre des armées, Sébastien Lecornu, annonce la réquisition de la centrale nucléaire de Civaux, à 175 km du Mans (distance orthodromique) avec pour mission (pour ceux qui doutaient d’un nucléaire civil initialement induit par celui du nucléaire militaire…) d’y produire du tritium « un gaz rare indispensable aux armes de la dissuasion » en collaboration avec le CEA.

Lancement, le lundi 18 mars à Bure (Meuse), de « l’enquête parcellaire » afin de permettre à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) d’acquérir 100 hectares manquants en surface pour développer le projet CIGEO de stockage par enfouissement de déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue (HA-VL et MA-VL). Autant dire les prémices à de prochaines expropriations.

Début 2024

Une douzaine de jours plus tôt, le jeudi 7 mars, Bruno Le Maire (ministre de l’Économie) et Roland Lescure (ministre de l’Industrie) annonçaient la poursuite de la stratégie de retraitement des combustibles nucléaires usés et de la fabrication de Mox à l’usine Orano de La Hague, au-delà de 2040 et « jusqu’à au moins 2100 ».

Même jour, même lieu, les même « sinistres » annonçaient également le lancement d’études pour la construction d’une nouvelle unité de retraitement sur le site de La Hague, d’ici à 2045-2050. Plus la construction d’une nouvelle usine de Mox (en doublon de l’usine Mélox de Marcoule, qui doit être rénovée).

Soyons fous ! Non seulement l’Hexagone est totalement dépendant de l’uranium importé du Kazakhstan, d’Ouzbékistan, du Canada, du Niger… mais il est aussi entièrement dépendant du réenrichissement de l’uranium (issu du retraitement de La Hague) et entièrement sous-traité à la Russie, seule à en avoir l’équipement et le savoir-faire, mais qui n’a étonnamment pas motivé d’embargo (explication : les US sont aussi à la ramasse) ! Conséquemment, « d’après des sources bien informées », une usine de réenrichissement serait aussi dans les cartons.

Au début de l’année, lors de la cérémonie des voeux de l’ASN, celle-ci avait révélé un remake des caviardages des fiches qualité des forges du Creusot de 2016. Soit 43 (!) cas de fraudes ou irrégularités (constatées en 2023) dont une à trois concernant un fournisseur du chantier de l’EPR de Flamanville [6] qu’elle a signalée à la justice. Alors que ses plaintes ne sont ni instruites ni jugées, ni l’impact sur la sûreté totalement cerné, il serait dommageable que l’ASN délivre son autorisation de chargement du combustible avant que la justice ne se prononce.

Confronté à un colossal mur d’investissement pour prolonger nos très nombreux réacteurs en fin de vie, le très coûteux EPR de Flamanville, les deux piscines de La Hague et la relance du nucléaire qui prévoit six réacteurs (d’ici 2035, dont le « basic design » vient d’être ajourné d’une année et réévalué financièrement), puis huit autres, des SMR, le projet Cigéo, la perpétuation du ruineux projet ITER de recherche internationale sur la fusion nucléaire (dont la Russie ), la relance du nucléaire militaire… cumulé aux susdites annonces (pour ne parler que du secteur nucléaire), le principe de réalité devrait — logiquement — circonvenir à tout ce délire nucléo-industriel ! Mais le projet de mettre vos économies à contribution, via le Livret A, peut vite ressortir du bois…


La ville d’Hérouville-Saint-Clair (voisine de Caen) accueille aussi l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO). L’association et son laboratoire créé à la suite de la catastrophe de Tchernobyl en 1986 proposait également une porte ouverte ce même samedi, de 10 heures à 13 heures, au 711 quartier Grande-Delle, à Hérouville-Saint-Clair. L’ACRO, c’est ce labo (reconnu par l’IRSN) qui analyse les prélèvements d’eau et de sédiments effectués en aval des cinq centrales sur la Loire et la Vienne (quatorze réacteurs en fonctionnement) par le « réseau des préleveurs » issu des groupes du collectif LVZn.


   Notes 

 [1] Avec les même objectifs, avec deux dates choisies et corrélées à la 13e commémoration de l’accident nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011. Au moins un Sarthois a été de ces deux rendez-vous le 11 mars à Paris et le 12 mars pour la chaîne devant le Parlement européen à Strasbourg

[2] Diverger (définition de l’ASN) : démarrage du processus de réaction en chaîne dans un réacteur. Démarrage de l’activité d’un réacteur. La date du chargement du combustible (déjà reportée plusieurs fois) était programmée pour fin mars. Une courte consultation du public sur la décision de l’ASN vient à nouveau de la différer. Pour donner votre avis, c’est là : , mais vous n’avez que jusqu’au 17 avril 2024 pour y participer !

[3] Broch : tour conique et creuse en pierres sèches, de la fin de l’âge du fer dans les Highland d’Écosse. L’ancienne tour réfrigérante (dite « le chaudron ») seule résurgence de la fonderie-aciérie aujourd’hui rasée de la Société métallurgique de Normandie (SMN, définitivement fermée en 1993), ressemble à ses « brochs » et aux « diabolos » (aéro-réfrigérants) des centrales nucléaires en circuit fermé. L’ex-site industriel SMN, anthropisé, héberge depuis 2018, la centrale solaire du « Plateau » : 20 ha, 29 000 modules qui suivent la courbe du soleil, puissance 9,83 MW, 11,4  millions de kWh à l’année, l’équivalent de la consommation de 4 500 foyers, hors chauffage. .

[4] Ce territoire comprend les centrales nucléaires de Flamanville, Paluel et Penly. Aussi, le centre de retraitement ORANO de la Hague, le Centre de stockage de la Manche (CSM), les innombrables transports de déchets (dont du plutonium), etc. La seule INB de la Sarthe, Ionisos à Sablé-sur-Sarthe, les labos de radiologie, dentistes, etc., dépendent de celle de Nantes. Les centrales de la Loire Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux-Nouan, Dampierre, Belleville et Civaux, etc., d’Orléans.

[5] À une voix près : 260 députés pour, 259 contre, un an après l’avoir rejetée, ouvrant la voie à une adoption définitive de la réforme début avril.

[6] Il s’agirait « du corps de deux soupapes de protection des circuits secondaires principaux. »


Crédit photos (dont amalgame) : SDN 72.  Illustration : armoires détournées de la Présidence de la République : SdN 72 (J.-L.B).