Alsetex (Précigné), vecteur du maintien de l’ordre… établi


… 2023, 2024, 20 … — Sarthe et au-delà

Cette fois encore, l’entreprise sarthoise de Précigné, malgré sa raison sociale dite « SAE ALSacienne d’ÉTudes et d’EXplosifs », aussi dite Malpaire, vient de cobénéficier d’une énorme commande de l’État d’engins de répression, d’autant plus mutilants voire meurtriers qu’ils sont mis en oeuvre avec des méthodes de maintien de l’ordre fortement décriées en interne mais aussi par nos voisins et même l’ONU. Et on ne vous dit rien des BRAV-M créées en 2019 [1] et autres escouades musclées, elles aussi fortement décriées.

Complément d’info : ALSETEX appartient au Groupe Etienne Lacroix. On vous laisse découvrir sa « raison sociale » en note [2]. Jusqu’en 2013, la société ALSETEX elle-même, on vous le donne « dans » le mille, se présentait comme « leader des produits pour la gestion – démocratique – des foules » jusqu’au tragique printemps arabe au Bahrein révélé par le média en ligne Basta, c’est là : .

21 des 78 millions d’euros pour Alsetex de Sablé-Précigné !   

78 millions, c’est ce  qu’auront à se partager trois grosses boîtes à équiper les pandores. C’est ce que nous a révélé l’hebdomadaire Politis à la mi-novembre [3] dans un article signé de Maxime Sirvens intitulé : « Maintien de l’ordre : la France s’offre plus de 78 millions d’euros de grenades ». Nous vous en recommandons vivement la lecture, c’est ici : . Vous trouverez aussi, infra, la recension qu’en à fait le quotidien régional Ouest-France du 24 novembre 2023, ou, si vous préférez le web (avec des liens en bonus), c’est là : .

Gestion des stocks

Aux lendemains de la fortuite vague dite des Gilets jaunes, « refaire le plein » devait déjà être tangible. Les « soulèvements » divers et variés (mégabassines, autoroute A69 Castre-Toulouse, cimenterie Lafarge, entrepôts logistiques géants), la Coupe du monde de rugby, l’approche des Jeux olympiques et paralympiques 2024 et des risques liés (oppositions, terrorisme, grèves, obstructions), la proclamation de la relance du nucléaire (six EPR 2 [par paire] à Penly, Gravelines et au Bugey dans un premier temps, puis huit autres à la suite) et son accélération n’ont pas manqué de légitimer ce vaste « réapro ».

Nucléocratie 

Le nucléaire dessine la nature des sociétés qui y recourent. S’il n’est pas l’unique entité qui sublime les sociétés verticales, autoritaires, répressives, il y participe grandement. Décidée sans débat ni concertation après la guerre, sa relance aujourd’hui est tout autant imposée, précipitée, sans recherche d’une réflexion collective sur l’énergie, nos besoins, sa nature, ses volumes… Du début à la fin de son cycle, le nucléaire implique la sécurisation des lieux d’approvisionnement (uranium désormais exogène) et d’exploitation, des transports, des stockages de déchets radioactifs. Il convoque la stabilité politique, sécuritaire, militaire, voire son instrumentalisation (menaces de l’arme nucléaire sur la centrale de Zaporijia, etc.) ; et aussi la stabilité internationale (matières fissiles, diplomatie conflictuelle avec nos réacteurs construits aux frontières [Luxembourg], partage des ressources en eau [Suisse]), la surveillance implicite des individus et collectifs endogènes et exogènes qui la menacent (drones au-dessus des centrales, terroristes de Belgique), s’y opposent ou qui simplement la démystifient (cf. la chasse aux sorcières exercée plusieurs années durant contre les militant·e·s anti-CIGéo, flichage, inscriptions au fichier S, etc.).

Quid du législatif

Avec l’inflexion nucléaire (et d’autres options difficilement demos-compatibles), le pays des Droits de l’Homme s’est laissé aller vers un continuum liberticide. Pouvoirs, gouvernements et politiques successifs ont encadré, phagocyté et pour tout dire rétréci — un penchant qu’ils ont par nature quoiqu’ils en disent — le champ des libertés publiques et accentué le contrôle des populations. On ne va pas refaire ici l’inventaire détaillé (qui le mériterait pourtant bien) des restrictions et atteintes aux droits de chacun·e. Citons quand même les dernières, pêle-mêle :

— loi « SILT » sur la « lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure » (30/10/2017),

— loi «  Asile et immigration » (10/9/2018),

— loi « Anticasseurs » sur le maintien de l’ordre lors des manifestations (définitivement adoptées après saisine du Conseil constitutionnel, le 10 avril 2019),

— loi « Pour une sécurité globale préservant les libertés » (25/5/2021),

— loi (nouvelle) « Relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » (le 30/7/2021),

— loi dite « Séparatisme » confortant le « respect des principes de la République » (??/??/2021),

— loi « Responsabilité pénale et sécurité intérieure » (24/1/2022).

Nous n’avons pas retenu tous les textes sur l’immigration, l’état d’urgence, puis sanitaire, etc. Nos lecteurs se reporteront utilement à un dégrossi de chacune d’elles que nous avons puisé dans le média en ligne Basta (déjà cité), c’est ici : (l’inventaire se termine au début du printemps 2021, mais la boulimie législativo-limitante se poursuit). Autre ressource possible (parmi bien d’autres), c’est là : .

Depuis, la loi sur les « caméras augmentées » relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 (votée le 19 mai 2023) a autorisé l’expérimentation de la vidéosurveillance intelligente pour assurer la sécurité des grands événements jusqu’au 31 mars 2025. Normalement circonscrite aux J.O., elle y survivra à coup sûr [4] et peut-être même augmentée !

« Le pire n’est pas toujours certain. » Ainsi, il arrive — bien que trop rarement — que le Conseil constitutionnel censure des textes adoptés par le Sénat et l’Assemblée. Le 16 novembre, le projet de loi justice du Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, l’a été. Le texte de celui-là même qui s’indignait tant du contrôle de ses propres fadettes rendait possible l’activation à distance (et le reste pour les services de renseignement) les micros, caméras, la géolocalisation des appareils numériques connectés (smartphones, ordinateurs…) pour géolocaliser, écouter et filmer à leur insu des personnes visées par certaines enquêtes (cependant, la pose de balise de géolocalisation reste possible et légale).

Plus récemment, les États membres de l’UE et le Parlement européen se sont accordés sur un texte encadrant le développement et l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA). S’il écarte – momentanément – les systèmes de notation des citoyen·ne·s ou la reconnaissance faciale pour une surveillance de masse des populations (techniques quasi généralisées en Chine), les États y ont cependant glissé, là encore, quelques exemptions pour certaines missions des forces de l’ordre comme la lutte contre le terrorisme, mais aussi pour des « recherches ciblées ». 

Une dernière petite brève – plus optimiste (mais qui montre bien la fourberie de la présidence Macron) – car on ne voudrait pas vous gâcher les réveillons ! Ce vendredi 15 décembre 2023, l’accord européen sur la « loi sur les libertés des médias » n’a pas retenu l’exception qu’a voulu y glisser la France et six autres pays (dont la Hongrie de Viktor Orbán, l’Italie de Giorgia Meloni) qui voulaient y inclure une exception à l’interdiction de surveiller les journalistes « au nom de la sauvegarde de la sécurité nationale ». Mais… elle sera néanmoins possible en cas de crime grave sur autorisation par décision judiciaire. Tout accaparé qu’il est à stigmatiser les intello-terroristes et à réprimer et traquer les éco-terroristes – jusqu’à les ficher S –, ce pouvoir serait mieux inspirer d’éviter les dispersions et dévoiements des services de renseignement et de mieux leur flécher les priorités (réflexion inspirée par Marine Tondelier sur France Inter le 9/12/2023). 

Toutes ces choses et bien d’autres encore comme autant de prodromes qui annoncent l’avènement d’un pouvoir toujours plus vertical et brutal. Joyeuses fêtes !

Sélection de nos précédents articles concernant ALSETEX et les atteintes aux libertés publiques :

Hommage (2 en 1) à Rémi Fraisse et même plus (Alsetex au dernier §) : .

Manif contre l’arsenal répressif produit chez Alsetex à Précigné : .

Atttttttttttention les  yeux !  .

SdN présent aux rassemblements contre les violences policières du 30/3/23 : .


Notes

[1] Brigades de répression de l’action violente motorisée (escouades répressives de binômes à moto).

[2] Le groupe Etienne Lacroix est expert mondial des solutions et systèmes pyrotechniques non létaux pour le maintien de l’ordre, le maintien de la paix, la gestion des foules et les opérations spéciales (c’est nous qui soulignons).

[3] Suite à la publication du résultat de l’appel d’offre dans le Journal officiel du 9/11/2023.

[4] Prenons-y garde. La loi sur les caméras augmentées n’est pas encore la reconnaissance faciale (techniques quasi généralisée en Chine) mais en est une étape qu’un cavalier législatif habilement glissé pourra remettre en lice à tout moment. 


Dessin de presse : SdN 72 (J.-L. B.). Photo : panneau d’un des manifestants devant la préfecture du Mans jeudi 30 mars 2023 présentant l’arsenal répressif déployé à Sainte-Soline. Dessin de presse de Carali (Siné mensuel). Coupure de presse (ci-dessous) : Ouest-France du 24/11//2023.