Ciné-débat : « Le début de la fin des armes nucléaires », aux Cinéastes 


Vendredi 18 mars 2022 – À Le Mans, aux Cinéastes, à 20 heures.

Alors que les armes grondent sur le territoire ukrainien, que l’autocrate et va-t-en guerre Poutine menace d’employer des armes nucléaires [1] non seulement contre sa pacifique voisine [2] mais aussi contre ceux qui voleraient à son secours, que deux centrales nucléaires [3] sont squattées par la soldatesque russe, le personnel réquisitionné, séquestré et militairement encadré, il est urgent que le tout nouveau Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) s’impose aux puissances dorénavant — illégalement — dotées.

La présente soirée [4] s’y est modestement employée.

Dissuasion : arrêter le cinoche !

Cette soirée était proposée par le Collectif 72 pour la paix (composition : cf. encadré dans le tract). Via le documentaire Le début de la fin des armes nucléaires, ce collectif proposait à tous une réflexion sur la pertinence de l’arme nucléaire,  l’efficience de la dissuasion comme outil de sécurité et de stabilité internationale, et de, éventuellement, déconstruire les multiples concepts échafaudés par de prétentieux stratèges pour légitimer, in fine, son « non-emploi » par l’équilibre de la terreur. Un ensemble qui, au final, menace toute vie sur cette planète, obère financièrement un meilleur bien-être social pour les plus démunis et participe d’un préjudice collectif d’anxiété.

Malgré une très chaude actualité (chapeau, supra), le public a modérément mordu à cette récente opportunité offerte par le TIAN, d’en finir, un jour, avec elles.

Le documentaire

Synopsis du film extrait de Pressenza (International press agency) : « Le documentaire de Álvaro Orús raconte, en 56 minutes, une brève histoire de la bombe et de l’activisme antinucléaire. Il montre les efforts déployés pour intégrer dans le droit international un traité d’interdiction des armes nucléaires. Il met en lumière le rôle d’ICAN, Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, en donnant la parole à des militants fortement impliqués ainsi qu’au président de la conférence de négociation du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). » Ce n’est qu’une courte présentation, si vous nourrissez l’envie d’en savoir plus, vous pouvez retrouver ce film, y réfléchir… il est disponible sur Youtube, le bon lien est ici : . S’il vous convainc, vous en faire l’ambassadeur, le partager, en débattre.

Débat

Deux intervenants ont animé cette seconde partie : Gérard Hallie, membre du Comité directeur de l’IDRP, Institut de documentation et recherche sur la paix, et Martial Château de Sortir du nucléaire 72.

Il y a tout particulièrement été souligné la singularité de ce traité d’abord issu de la société civile, des citoyens, personnalités, universitaires ; de la pugnacité associative ; de la diplomatie et de la main reprise par des États non dotés d’arme nucléaire (ENDAN), face aux mastodontes (États-Unis et Russie) et ceux de deuxième division (7 sur 9) qui la possèdent. David contre Goliath, le pot de terre contre le pot de fer ! Un biais improbable qui pourtant va inverser la donne. Gagné, ce traité a par ailleurs valu le prix Nobel de la paix pour son action à l’association ICAN, Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, en 2017. Bel outil mis à la disposition de tous, individus, peuples, États… Seul, un soutien massif — populaire — peut en faire aboutir le noble et humaniste objectif.

Débattre implique aussi différences et controverses. L’interdépendance du nucléaire civil et militaire historique, mais aussi présente, s’est aussi invitée au débat : la fabrication des charges atomiques au plutonium et/ou à l’uranium enrichi de qualité militaire, la recharge régulière des armes atomiques en tritium qui induit un fret aller et retour à Valduc, en Côte-d’Or, et/ou leur renouvellement, avec la traversée de notre département (et de bien d’autres) pour celles de la force océanique stratégique, n’est pas non plus sans risque.

Le début de la fin du « c’est pas moi c’est l’autre »

Ce traité est un levier indispensable pour s’opposer aux neuf pays dotés. Un outil de la légitimité face aux outrecuidances militaro-nucléarisées. Pour l’heure, il a ses limites, il ne s’applique qu’aux signataires. Pourtant, il rend illégal de « mettre au point, tester, produire, acquérir, posséder, stocker, utiliser,  mais aussi de menacer d’utiliser des armes nucléaires ». Ce qu’a fait et réitéré le président quasi à vie de la Fédération de Russie [1] ! En quoi cet item autoriserait-il de réunir les instruments juridiques pour permettre d’instruire — même symboliquement (à défaut) — le procès de ce maléfique va-t-en-guerre ?

« Je suis devenu la mort, le destructeur des mondes. » Expression de Krishna dans la peau de Shiva, reprise par Julius Robert Oppenheimer à propos de l’essai de la première bombe atomique (projet Manhattan), dite «Gadget», du 16 juillet 1945 sur le site Trinity, dans le désert du Nouveau-Mexique. Poutine et d’autres s’envisagent-ils — sereinement — en Truman ?

« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. » Bertolt Brecht.

Sans doute, se « faire une toile » ou une « série » est plus enthousiasmant que se faire un documentaire (bien que la série Chernobyl ait fait un tabac en mêlant les deux !). Le susdit titre du documentaire Le début de la fin des armes nucléaires, lui, suggère clairement que le dénouement final concernant ces armes de destruction massive adviendra probablement (sauf à disparaître), mais que le prérequis pour y parvenir enjoint de s’y employer ardemment.

Comme pour les conventions sur l’interdiction des armes biologiques (1972-1975), chimiques (1993-1997), des mines antipersonnel (1997-1999), des armes à sous munitions (2008- 2010)…  la route est longue, semée d’embûches, n’est pas belle et n’impossibilise pas les contrevenants. Certains sont passés au travers du filet de la Cour pénale internationale. Plusieurs n’ont toutefois pu en éviter les mailles. À nous tous et toutes de stopper ces fous furieux et de nous employer ardemment à l’avènement d’une planète sans armes atomiques et, pour ce qui nous concerne, sans énergie nucléaire.

Point d’étape

Adopté le 7 juillet 2017 par la conférence des Nations Unies par 122 pays, signé depuis par 86, le TIAN est entré en application le 22 janvier 2021 à la suite de la 51e ratification. À la fin janvier 2022, soixante l’avaient ratifié (comprendre, le nombre d’États ayant validé « les instruments de ratification » dans leur droit interne). Le 61e pourrait être le Guatemala. Suivre la mise à jour des signatures et ratifications des États, c’est là : .

Passage à l’acte

Retardée, la première réunion des États parties du TIAN se tiendra en juillet, à Vienne, en Autriche. La France (comme les autres pays non signataires) qui ne l’a pas adopté-signé-ratifié (honte à elle) y est invitée en tant qu’observatrice, mais s’apprête à la sécher. Pour l’inciter à changer son « fusil » d’épaule, c’est là : .


Notes

[1] Le 22 février, Vladimir Poutine prévenait « ceux qui tenteraient de se mettre en travers » du chemin de la Russie que « Les conséquences seront telles que vous n’en avez jamais vues dans votre histoire. » Le 28 février, le même Vladimir Poutine avait de nouveau agité et identifié cette menace en déclarant que « les forces de dissuasion nucléaires russes » avaient été placées en « régime spécial d’alerte. »

[2] En 1994, l’Ukraine avait accepté de retourner à la Russie les 1 700 ogives restées sur sont territoire après la dissolution de l’ex-URSS (soit environ un tiers de l’arsenal nucléaire soviétique) et d’adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

[3] Centrale de Tchernobyl : 4 réacteurs, 1 explosé en 1986, plus 3 autres, dont le n° 2 a été arrêté en 1991 suite à un incendie dans la salle des machines, le n° 1 en 1996 et le n° 3 en 2000 (sous la condition d’une aide financière européenne). Centrale de Zaporijjia, canonnée le 4 mars, 6 réacteurs dont le n°1 — superficiellement — impacté par un obus.

[4] Une soirée identique ouverte à tous les publics (même film, débat voisin, mais un seul intervenant, G. Hallie) avait été proposé à l’université le 24 février. Jauge public équivalente, cependant, peu d’étudiant·e·s concerné·e·s malgré des tractages conséquents sur le campus.


Illustrations : dessin  de presse de Sanaga, avec son aimable autorisation. Pour mieux connaître son travail, son lien Facebook est là : . Capture d’écran de l’annonce du film. Tract : du Collectif 72 pour la paix. Logo (trois bombes sur trèfle nucléaire) : autocollant  Réseau SDN.