34 ans Tchernobyl : un « anniversaire » sur fond de pandémie


Privé de tout ! De masques, de lits, de respirateurs, de personnel, de… Gouverner c’est prévoir. Or, les politiques publiques menées ces décennies n’ont eu de cesse de diminuer les moyens de santé, d’éducation, de sécurité, de justice, d’instrumentaliser le réchauffement climatique sans prendre des mesures considérables à enclencher en adéquation avec l’objectif. Et, a contrario, de gonfler ceux de la défense, de l’arme atomique, du nucléaire civil, des profits et dividendes… Et (après l’état d’urgence, le mouvement des Gilets jaunes…) d’accentuer la pression déjà considérable sur nos libertés (pour s’en convaincre lire l’article conjoint de Médiapart et Reporterre sur Bure, ici : ).  Regarde le ciel (drones), ton smartphone, le traçage des citoyens, la reconnaissance faciale, la systématisation des relevés d’empreintes génétiques, la vérité construite par le ministère éponyme et relayée par les communicants… Big Brother est — de fait — sur nos talons.

Privés de la Marche pour le climat prévue le 14 mars. Privés de la soirée ciné-débat avec le film Retour à la normale (en partenariat avec les Cinéastes) et la réalisatrice Christina Firmino (documentaire d’anticipation sur un scénario d’accident nucléaire plausible, en France, qui nous laisse imaginer quelles seraient les conséquences d’un tel drame sur nos vies). Privés de la Fête de l’eau et des énergies le 31 mai. Privé de tout, privé de vous ! Privé de rappeler ce fameux accident de 1986 à Tchernobyl (aussi celui de 2011 à Fukushima), de vous le crier dans les rues du Mans comme nous l’avons fait toutes ces années durant.

Las, nous publions ci-dessous le communiqué du Réseau Sortir du nucléaire (du 24 avril 2020) pour en restituer le contexte. Nous vous conseillons aussi et d’abord son adresse URL (ci-dessous). Ce communiqué a été adressé à la presse locale par nos soins.

Réseau Sortir du nucléaire Fédération de plus de 900 associations et 60 000 personnes
Agréée pour la protection de l’environnement http://www.sortirdunucleaire.org

Communiqué – 24 avril 2020

34 ans après, la catastrophe de Tchernobyl n’est toujours pas terminée

Un anniversaire sur fond de pandémie

Le 26 avril 1986, le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait, rejetant dans l’atmosphère européenne d’impressionnantes quantités de radionucléides.

34 ans plus tard, la catastrophe sanitaire est toujours en cours, comme le rappellent les récents incendies dans la zone contaminée.

Rien ne peut garantir qu’un accident de type Tchernobyl n’arrivera jamais en France. Dans un monde de plus en plus incertain, il est urgent de changer de cap et de renoncer à l’énergie nucléaire.

Tchernobyl, la catastrophe sans fin

34 ans après le début de l’accident, la catastrophe de Tchernobyl continue de se déployer : certaines substances radioactives resteront encore présentes dans les sols pendant plusieurs siècles. Plus de 5 millions de personnes — parmi lesquelles des enfants et des femmes enceintes — vivent dans des territoires contaminés et ingèrent quotidiennement des substances radioactives. Les conséquences sanitaires de cette exposition chronique sont lourdes et les effets délétères sur le génome humain ne se résorbent pas : ils augmentent, perdurant de génération en génération. Comme le montrent les données collectées par l’association Enfants de Tchernobyl Belarus, le taux de morbidité a continué d’augmenter ces dernières années.

Contrairement au cliché d’une nature qui « reprendrait ses droits », la faune et la flore sont également touchées. Des malformations ont été observées sur les oiseaux et rongeurs [1] et la croissance des arbres est affectée [2] .

En outre, l’impact des radiations ralentit la décomposition des végétaux [3]. Combiné à la sécheresse, ce problème accroît considérablement le risque d’incendie. Les feux de forêts observés ces dernières semaines, les plus puissants observés depuis l’accident, ont contribué à remettre en circulation dans l’air les éléments radioactifs contenus dans les arbres et le sol. Le dépôt de ces nuages de cendres radioactives générera probablement de nouveaux impacts sanitaires pour les populations locales [4]. Ce phénomène, dont la fréquence risque malheureusement de s’accroître avec le changement climatique, nous rappelle amèrement que la radioactivité n’est pas confinée et que l’accident ne peut être considéré comme terminé.

Un accident est possible en France

Rien ne permet d’affirmer qu’un accident de type Tchernobyl ne surviendra pas en France, comme le répète régulièrement l’Autorité de sûreté nucléaire. Celle-ci vient d’ailleurs de lancer un site dédié au « post-accidentel« , qui propose aux élu·e·s, entreprises et associations de se renseigner sur le rôle qu’ils seraient appelés à endosser dans de telles circonstances… et qu’ils n’ont jamais demandé à jouer.

Les plans d’interventions en cas d’accident restent dérisoires, la distribution de pastilles d’iode et l’évacuation n’étant prévue que dans un périmètre de 20 km autour du site nucléaire accidenté. Pourtant, Tchernobyl a démontré qu’un panache radioactif pouvait se déplacer sur des milliers de kilomètres. Une simulation réalisée par l’institut genevois Biosphère souligne qu’en cas d’accident à la centrale nucléaire du Bugey, près de Lyon, selon les conditions météorologiques, de larges parties du territoire français et européen pourraient être touchées.

Changeons de cap pour un système énergétique plus sûr et plus résilient !

Ce 34e anniversaire de l’accident de Tchernobyl survient dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19, qui risque d’aggraver une situation déjà préoccupante sur les sites nucléaires. Depuis plusieurs années, l’Autorité de sûreté nucléaire alerte sur une perte de compétence au sein de la filière ; quant aux travailleurs sous-traitants en charge des opérations de maintenance, nombre d’entre-eux dénoncent des conditions dégradées qui ne leur permettent plus d’effectuer correctement leur travail.

Nous nous inquiétons vivement de la poursuite du fonctionnement des installations en période épidémique. Stress dû à l’insuffisance des protections pour les prestataires, effectifs réduits, journées de travail allongées dans le cadre du plan pandémie, contrôles de sûreté effectués à distance : la situation est propice à un risque accru de maintenance mal faite, de fraudes et d’erreurs humaines.

Cette crise sanitaire ne doit pas éclipser le risque nucléaire : au contraire, elle plaide pour passer à un autre système de production et consommation d’énergie, plus sobre, relocalisé et reposant sur les énergies renouvelables. Moins complexe, moins dangereux, exigeant moins d’opérations sur place, un tel système serait infiniment plus résilient à toute crise (sanitaire, sécuritaire…) que notre parc nucléaire.

Et alors que la France s’achemine vers une récession majeure, il est temps d’arrêter de gaspiller des milliards d’euros dans un hypothétique rafistolage d’installations vieillissantes, et surtout dans des projets chimériques de nouveaux réacteurs EPR. Faisons les bons choix et évitons de nous enfermer dans les énergies du passé !

En savoir plus sur Tchernobyl :

– Lire notre article 34 ans plus tard, l’Europe subit toujours les conséquences de Tchernobyl – Communiqués de la CRIIRAD sur l’évolution de la situation après les incendies.

– Informations de l’AIPRI


Illustration du regretté Charb (directeur de la publication et dessinateur de Charlie Hebdo exécuté en janvier 2015).