Watticulture en Champagne conlinoise


Janvier 2019 – Conlie et Neuvillalais

« Parc Éole – Champagne conlinoise »

Comme le parc voisin baptisé Parc éolien de la Plaine conlinoise, celui-ci se distingue aussi par son insolente verticalité dans l’hypsométrie [1] des lieux.

Les cinq unités de cette ferme éolienne sont implantées sur la butte de la Jaunelière (face au musée de la Seconde Guerre mondiale Roger-Bellon, à droite en allant vers Sillé-le-Guillaume). Autant dire en lieu et place du « Camp des Bretons » (1870). Ce parc est piloté par la société Total Quadran [2] et la coopérative agricole des Fermiers de Loué.

Sur le même territoire, un second parc de deux éoliennes de même gabarit (cf. ci-dessus) est aussi achevé et d’autres frappent à la porte (cf. plus bas).

Des mégaWatts/h en sus, produits in situ

Deux des cinq aérogénérateurs de cette ferme éolienne sont sur la commune de Conlie, les trois autres sur celle de Neuvillalais. Chacun des moyeux culmine à 117 m et les pâles sommitales à 180 ! D’une puissance de 3,3 à 3,6 mW chacune, en quintette, les machines atteindront les 17,4 mW. Bon an mal an, l’estimation du productible injecté sur le réseau public pourrait atteindre 42 000 mWh/an selon les mesures de vent réalisées entre 2015 et 2016. Soit la consommation domestique de 20 000 habitants (hors chauffage et eau chaude). Ce faisant, nous seront tous exonérés de 9 800 tonnes de rejet d’équivalent CO² par an. Soit 294 000 tonnes évitées sur trois décennies d’exploitation.

Pour autant, les trois entrées des tables de la loi énergétique (efficacité, sobriété, énergies renouvelables) restent LA règle de conduite pertinente et l’arrêt simultané de réacteurs nucléaires, un pendant à l’acceptation des désagréments paysagers voire écologiques des renouvelables (barrages, éoliennes… ) « susceptibles de brouiller la lecture d’un paysage » (en novlangue technocratique). Nonobstant la privatisation promise des concessions à venir des barrages hydroélectriques, la plupart des autres EnR se déploient hors le service public, même si à la marge elles peuvent être citoyenno-participatives.

Quid du financement

En septembre 2019, un financement participatif a été ouvert à la population. Participatif et privé. Privé et participatif. Mais point trop n’en faut ! Conduite par Total Quadran adossé à la plateforme de financement Lendosphère, la participation a été limitée à 300 000 euros d’une facture globale de la bagatelle de près de 20 millions d’euros. Dont seulement 150 000 exclusivement partageables entre les riverain·e·s conlinois·es et neuvillalois·es et 150 000 pour les éleveurs des Fermiers de Loué (soit quatre fois moins que pour le parc ÉoLoué Vivoin, Juillé, Piacé [mais pour six générateurs], c’est ici : ). L’investissement particulier étant limité à 4 000 € par personne sous forme d’obligations — au taux d’intérêt annuel appliqué au capital, 5 %, d’une durée de vie de cinq ans au sein de la Sasu Éole – Champagne conlinoise, créée en 2017 pour les besoins du projet. 198 riverains et éleveurs fermiers de Loué y ont participé.

Champions du créneau

Il a fallu beaucoup d’adresse pour acheminer les ailes de ces éoliennes, venues du port de Saint-Nazaire. Si celles du parc voisin ont été passées par dessus la voie ferrée, celles-ci sont belle et bien passées sous le pont de la voie de chemin de fer proche de la coopérative. Des convois de plus de 70 m, enquillés dans un trou de souris, de nuit et, en marche arrière ! Des prouesses à voir ici : et là : .

Pédago

Chaque parc éolien est aussi à sa manière un parc d’attractions et suscite l’intérêt des curieux. Nous l’avions souligné en note de l’article consacré au parc voisin de la Plaine conlinoise (lien ci-dessous). Ici, il est aussi devenu un outil pédologique à l’usage des enseignants. Fiers de leur choix, les élus ont souhaité faire découvrir le chantier d’éoliennes en construction aux enfants des écoles et aux collégiens. Une démarche qu’on ne peut qu’approuver et encourager (sans s’y limiter) après des décennies de sorties scolaires longtemps abonnées aux visites de la centrale nucléaire de Chinon.

Jamais deux sans trois…

Ce territoire accueille déjà un parc éolien et pourrait en supporter d’autres.

● Sur cette même commune de Conlie, au nord-est de l’agglomération, en devers de la butte de Vinay (au lieudit l’Épinay exactement), la société Energy Team a elle aussi achevé un second parc éolien mais de deux unités seulement. Des aérogénérateurs eux aussi hauts perchés et puissants. Celui-ci est baptisé « Parc éolien de la Plaine conlinoise » (pour mémoire, le premier projet [objet de ce post] étant le parc Éole – Champagne conlinoise). Notre article dédié est là : .

● Un troisième parc de quatre éoliennes dit SARL « Ferme éolienne de Neuvillalais » (d’une hauteur de 149 m et d’une puissance de 2,4 mW par unité) est également projeté par la société Séméole entre les communes de Neuvillalais et Mézières-sous-Lavardin, dans l’axe des hameaux du Verdeau (au nord) et des Réheries (au sud) [3]. La mairie de Neuvillalais (favorable aux deux projets) ayant viré cuti suite au renouvellement partiel des conseillers municipaux, elle a été déboutée d’un premier recours motivé par la proximité d’un lotissement situé à 560 m à vol d’oiseau. Depuis, elle en a soumis un second avec la mairie de Mézières-sous-Lavardin dont un lotissement de la commune se trouve lui aussi au voisinage et en visibilité avec l’éventuel futur parc et pourrait en limiter l’extension. Jugé à Nantes le 17 décembre 2019, le verdict rendu le 10 janvier 2020 a débouté les plaignants de leur demande. Selon l’avocat des deux cités, la capacité financière du promoteur pourrait leur offrir d’autres angles d’attaque… À suivre…

● Mais ce n’est pas tout, mais ce n’est pas tout… Les trèfles géants grainent ! Le 10 mai 2017, le préfet a validé les permis de construire et d’exploitation d’un autre parc de trois éoliennes sur les communes de Vernie et Crissé, à environ 6 km au nord-ouest de Conlie et Neuvillalais. Ce projet est porté par la SAS Parc éolien de Crissé et Vernie (un projet qui a lui aussi évolué, nous vous en avions parlé ici : , nous y reviendrons le moment venu)… Le tribunal administratif de Nantes (audience du 27 sept. 2019) a rejeté la requête en annulation de deux associations patrimonialistes et environnementalistes, opposées au projet, le 18 octobre 2019. Le rapporteur public avait plaidé le rejet des deux requêtes et la condamnation des plaignants aux dépens.


Neuvillalais. Le méridien de Greenwich traverse de part en part la petite commune de Neuvillalais. Sa trace visible devant l’église du village est matérialisée au sol par une bande réalisée en pavés qui coupe la rue principale dite rue du Méridien, en diagonale (cf. nos photos ci-dessous). À « dé-crypter » aussi les informations sur « Le culte de Neuvillalais pendant et au sortir de la Révolution » à l’intérieur de l’église.


[1] Hypsométrie : étendue respective des différentes zones d’altitude d’une région.

[2] Après la fusion des deux sociétés d’origine (Aérowatt et JMB Énergie), mi-2013, elles deviennent Quadran Energies Libres, qui deviendra Quadran Groupe Direct Energie en 2017 et enfin Total Quadran en 2019. Pour autant, le groupe Total n’est par un parangon de vertu, ni en matière de production d’énergie ni au niveau fiscal dans son pays d’élection ! Sa production et ses choix industriels restent massivement d’origine fossile (surtout à l’international). Responsable de 0,9 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), en 2018 le groupe pétrolier a investi « 9,2 milliards de dollars dans la production d’hydrocarbures et [seulement] 0,5 milliard dans le secteur bas carbone » (gaz et énergies renouvelables réunis). D’ailleurs, des associations et des collectivités envisagent d’assigner prochainement le groupe Total pour « une prise en compte insuffisante du risque climatique » eu égard à la loi de février 2017 obligeant les entreprises de plus de 5 000 salariés à publier un plan conséquent de réduction des risques environnementaux.

Patrick Pouyanné, PDG de Total, a lui même récemment rappelé (le 14 janvier 2020) que « les énergie fossiles représentent aujourd’hui 90 % du mix énergétique mondial et qu’on ne va pas faire disparaître tout cela d’un seul coup de baguette magique ».  Surtout, s’il a financièrement intérêt à se hâter lentement si l’on en croit cet aveu délivré dans la foulée : « Ce que les actionnaires veulent assurer, c’est surtout la durabilité des dividendes » ! La messe est dite ! Green washing ? capitalisme vert ? les deux ?

[3] Le permis de construire avait été octroyé en décembre 2015 par la préfète de la Sarthe Corinne Orzechowski. L’entreprise Saméole (Samfi-Invest) qui porte le projet estime que son parc pourrait alimenter l’équivalent de plus de 9 000 foyers (hors chauffage électrique) et d’éviter l’émission de près de 17 000 tonnes de CO2 ».


Crédit photos : amalgame photos de SdN 72. En bas à droite, la photo des deux parcs éoliens vus de la butte de Vinay sous les châteaux d’eau.

Addendum : du fait de la pandémie du coronavirus ce parc n’a finalement été officiellement inauguré qu’à peine une dizaine de mois après sa mise en service, soit, le jeudi 1er octobre 2020.