Marion Tivital peint ce que nous ne pouvons voir en peinture


Du 5 avril au 8 juin 2019 – Hôtel de ville du Mans

Pour sa 26e édition, le festival Puls’Art (manifestation internationale d’art contemporain) expose cinquante artistes trié·e·s (ou pas) sur le chevalet [1] en avril et juin en Sarthe. Une sélection sans frontières, ni territoriales ni artistiques. La production ne vise pas moins qu’un « espéranto des émotions » !

Une de ces artistes, Marion Tivital [2], présente ses intrigants univers industriels minéralisés, déshumanisés… voire nucléaires, à l’hôtel de ville du Mans, jusqu’au 8 juin.

Nous ne parlerons pas ici de l’ensemble de la proposition artistique au programme du festival Puls’Art, ce n’est pas notre domaine. De l’univers proposé par Marion Tivital (comme pour Carlotta à son heure, c’est là : ), seule nous importe sa figuration de la nature blessée et sa transposition picturale d’un univers industriel déshumanisé et déshumanisant, peuplé de friches industrielles, de silos, raffineries, docks, châteaux d’eau, station-essence, toboggans aquatiques et caravanes (esseulées), et… de centrales nucléaires. Ce que nous, ne « pouvons voir en peinture » (choix expliqué et motivé sur ce site) s’impose à nous, ici, en image panoramique.

Marion Tivital crée et/ou se recrée son propre urbex [3] et le peint en séries. Des obsessions ? Sites industriels (on l’a vu), natures mortes, paysages, empreintes… sans âme, sans vie, sans âme qui vive, exceptés Les Silencieux… (absents de cette expo, mais à voir sur son site, infra).  Des silencieux au yeux clos comme une figuration des trois singes de la sagesse (!). Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire de cet univers blafard et de son inhumaine architecture géométrisée et minimaliste. Des lieux clos impénétrés, impénétrables, sans porte, sans sortie, aux escaliers aveugles et non-débouchants, aux inaccessibles constructions tchanquées, comme une invite à fendre les murailles bétonnées et aller voir à l’intérieur ce qui s’y passe, voire même s’il peu s’y passer quelque chose.

Une étrangeté neutronisée [4], une puissance esthétique ambivalente émergent des toiles de Marion Tivital qui nous invite à forcer le réel. Cette exposition nous embarrasse et nous questionne forcément sur notre humanité et notre legs environnemental. À ceux qui savent entendre, ses Paysages silencieux (titre de l’expo) en disent long, dans une langue universelle : la peinture.


Salle des expositions de l’hôtel de ville, place de la Mairie, au Mans, jusqu’au 8 juin inclus. Le site de Marion Tivital est ici : .


[1] Avec infiniment plus de prétendant·e·s que d’élu·e·s sélectionné·e·s par un jury de professionnel·le·s de l’art, composé d’un·e artiste, d’un·e critique d’art et d’une personne qui organise des expositions. Avec priorité aux primo-accédant·e·s et ponctuellement (depuis deux ans) une majorité de femmes. Entre 150 et 200 œuvres y sont vendues chaque année.

[2] D’origine bretonne, Marion Tivital est néanmoins née à Paris, en 1960, où elle vit et travaille encore actuellement en tant que peintre décoratrice fresquiste. Proche de Patrice de Pracontal, elle fréquentera et se mûrira à son académie ARP (Atelier de recherche picturale), à Issy-les-Moulineaux. Son travail s’expose dans de nombreuses galeries de France et même à San Francisco.

[3] Pour exploration urbaine, proposition généralement photographique de lieux construits mais désaffectés, interdits, cachés ou difficiles d’accès, abandonnés par l’homme.

[4] Décodage. Un temps en vogue, la bombe à neutrons était censée détruire toute vie dans un rayon conséquent sans détruire les infrastructures.


Photos : SdN 72.