À la découverte des irradiateurs en Pays de Loire


2022 — Sarthe, bassin versant de la Loire et bien au-delà

Il existe 200 irradiateurs (aussi appelés « usines d’ionisations ») dans le monde dont 6 en France (tableau infra). Parmi eux, ceux de de Sablé-sur-Sarthe et Pouzauges. Qui sont-ils ? À quoi servent-ils ? Explications !

Pourquoi irradier ? 

Les rayons gamma de sources de cobalt 60  (ou césium 137) servent à stériliser, à détruire les germes pathogènes (salmonelle, listéria…), à renforcer les propriétés techniques de certains polymères, à réaliser des réactions chimiques sous rayonnement ou encore à désinfecter des documents d’archives et antiquités …

L’irradiation est également une pratique qui permet à des industriels de l’alimentaire de s’affranchir des bonnes pratiques sanitaires, d’allonger grandement la durée de conservation et ainsi permettre des voyages lointains aux aliments !

Les mobilisations, au début des années 2000 en France, contre l’irradiation alimentaire ont donné à cette technique une mauvaise image qui a contribué à sa marginalisation. Mais les importations de produits irradiés se poursuivent néanmoins.

Les rayonnements agissent sur les produits, soit en détruisant les bactéries qui s’y trouvent, soit en modifiant leur organisation moléculaire, mais toujours à travers les emballages définitifs et sans élévation significative de température, ni ajout d’additif chimique. La mise au point industrielle de cette technique appelée ionisation remonte à une cinquantaine d’années.

Le Cobalt 60 qu’est-ce que c’est ? 

Le rayonnement gamma des sources de Co60 utilisées dans les irradiateurs est particulièrement puissant et dangereux (3,5 millions de Curies = 130 millions de GBq ou 130 suivi de 15 zéros). 

Le Cobalt 60 (période 5,27 ans) est  fabriqué au Canada ou aux USA, dans des réacteurs de fission à eau sous pression par bombardement neutronique de Cobalt 59 stable. Il est importé par bateaux habilités aux transports de matières radioactives.

Les sources, qui contiennent le Co60, sont formées d’un assemblage de tubes sous double enveloppe d’acier inoxydable. Ces tubes (50 cm de long et 1 cm de diamètre de section) sont scellés, la matière radioactive est ainsi confinée.

Au bout d’une vingtaine d’années, le rayonnement du Co60 n’étant plus assez performant pour l’ionisation, les sources sont renvoyées au fabricant  comme la réglementation l’exige.

La désintégration béta du Co60 produit du Nickel60 stable et un rayonnement  gamma de forte énergie qui ne provoque pas de fission d’atomes, les produits traités ne deviennent pas radioactifs.

Comment fonctionne une usine d’irradiation ? 

Les usines d’irradiations sont des « Installations Nucléaires de Base » (INB).

La cellule d’irradiation est  à l’intérieur d’une casemate aux parois en béton de 2 m d’épaisseur qui servent de protection radiologique. Une « piscine » de 7,5 m de profondeur et de 4 m² de surface située à l’intérieur  de la casemate permet, lors des arrêts du fonctionnement de l’irradiateur,  d’entreposer en sécurité les sources (l’eau de cette piscine constituant un écran contre le rayonnement des sources).

Lors du fonctionnement, les sources sont sorties de la piscine et les palettes de produits à irradier sont chargées dans des nacelles suspendues à un convoyeur aérien automatisé qui permet leur passage  et  leur stationnement devant les sources le temps nécessaire au traitement. Les personnels qui alimentent cette chaîne de distribution des palettes sont protégés des radiations par les murs de la casemate.

Les palettes de produit qui arrivent des entreprises donneuses d’ordre par camions, sont irradiées telles qu’elles (sans dé-palettisation). 

En cas de tentatives d’intrusion dans la casemate, un système automatisé provoque la descente en sécurité des sources au fond de la piscine.

Que fait-on dans les usines de Sablé-sur-Sarthe (72) et de Pouzauges (85)

Ces deux irradiateurs sont détenus par l’entreprise française Ionisos. L’emploi sur ces sites est faible : 25 personnes à Sablé et 15 à Pouzauges. A noter que seules 6 à 8 personnes sur chaque site sont des salarié·e·s du nucléaire, les autres n’ayant pas de qualifications spécifiques pour y travailler. 

Les produits traités en Pays de la Loire sont essentiellement de la stérilisation de matériel médical (pansements, seringues, prothèses …), des matières premières de l’industrie pharmaceutique et cosmétique mais aussi (et de manière plus surprenante) de la litière pour chats !

L’irradiation provoque t’elle des déchets ?

Tant que les sources de Co60, formées d’un assemblage de tubes sous double enveloppe d’acier inoxydable, ne se fissurent pas, il n’y a pas de pollution radioactive. Il n’existe aucune déclaration d’accidents  de fissuration de ces sources. Notons que, contrairement aux crayons d’uranium des centrales nucléaires, ces sources de Co60 ne sont pas soumises à des températures et pressions élevées pouvant les détériorer.

Néanmoins les filtres et produits utilisés pour l’entretien de la piscine sont considérés comme des déchets TFA (Très Faible Activité). Ces déchets d’un volume de 0,2m³/an sont conditionnés sur place avant évacuation vers le centre de stockage des déchets de très faible activité  exploité par l’ANDRA à Morvilliers (Aube).

Quels sont les risques liés à cette activité ?

Risque d’explosion

– Lorsque les sources radioactives sont stockées dans l’eau de la piscine, le rayonnement gamma provoque la radiolyse de l’eau avec  dégagement  d’hydrogène. Si la ventilation de la casemate s’arrête quelques jours, la concentration en H2₂ atteint dans la casemate une valeur rendant possible une explosion d’hydrogène.

Pour les travailleurs

– Les containers ne stoppent pas complétement les radiations, à leur contact des personnes peuvent être légèrement contaminées. À la réception ou le retour de ces containers leur manutention provoque une légère irradiation des personnels.

– Tout contact de quelques secondes avec les sources radioactives entrainerait une mort certaine au bout de quelques jours et dans d’affreuses souffrances.

– Les chauffeurs routiers ne sont pas informés de ce qu’ils transportent alors même que la règlementation exige une strict information sur les risques et précautions de tous les intervenants dans l’usine, transporteurs compris !

Pour l’environnement

– Rejets gazeux : Lors  de leur utilisation le rayonnement gamma ionise l’air de la casemate avec production d’ozone et d’oxydes d’azote. La ventilation évacue ces gaz par la cheminée de l’installation. Leur dilution dans l’environnement serait  conforme aux normes de protection mais il n’y a aucune balise de mesure de la qualité de l’air à proximité des installations pour le confirmer (à Sablé sur Sarthe la balise la plus proche est à 20 km !)

– Le transport des sources se fait sur de longue distance (entre la  France et l’Amérique du nord) dans des containers à l’uranium appauvri de 3,5 tonnes. Ces containers sont prévus pour résister à une chute de 9 m et à un feu de 800°C pendant 30minutes mais en cas de détérioration de ces containers, il y a un risque d’une pollution à l’uranium !

Existe t’il des alternatives à l’irradiation ?

Pour les aliments de bonnes pratiques sanitaires et la consommation locale rendent cette technique quasi inutile.

Pour d’autres utilisations il est possible de substituer les sources de Co60 (ou Cs137) par un accélérateur d’électrons  générant des rayons X de forte énergie. C’est le cas de l’irradiateur  de Chaumesnil dans l’Aube. Cette technique qui n’utilise pas de radioéléments présente le désavantage d’une consommatrice importante d’énergie électrique et l’avantage de ne plus émettre de radiation dangereuse dès qu’on coupe l’alimentation électrique.

Comment se renseigner ? 

Comme pour toute installation nucléaire, il existe une Commission Locale d’Information (CLI) concernant les sites d’irradiation de Sablé [1] et Pouzauges. Mais les réunions publiques n’attirent que très peu de monde en dehors des militant.e.s de SdN 72. Les locaux ignorent l’existence de ce site nucléaire y compris la plupart des élu·e·s municipaux.

Les réunions de la CLI permettent de glaner quelques informations et de poser des questions.

SdN 72 est représenté à Sablé indirectement par Sarthe Nature Environnement car le Conseil Départemental de la Sarthe n’accepte que des associations agréées  officiellement au titre de l’environnement.

Il n’y a pas de représentant d’association antinucléaire à la CLI de Pouzauges.

Tous les ans l’Autorité de Sureté Nucléaire relève des incidents à Sablé comme à Pouzauges qui sont presque tous dus au non-respect de règles générales d’exploitation. Tous les rapports d’inspection sont disponibles sur le site de l’ASN de Nantes [2].


[1] Les comptes-rendus de la CLI Ionisos de Sablé-sur-Sarthe sont consultables ici : . Il faut néanmoins souvent attendre plusieurs mois après la réunion pour que le CR soit validé, puis, proposé à la consultation publique.

[2] Pour l’irradiateur de Sablé-sur-Sarthe, c’est là : .


Crédit photo : Comité centrales. Logo Radura (déposé). Vignette : logo Ionisos détourné (SdN 72). Tableau : SdN 72.