Tomari au Japon : le monde à deux doigts d’une nouvelle catastrophe nucléaire ?


Vendredi 7 septembre 2018 – Partout !

Après Fukushima, le Japon (et la planète) a frôlé — une énième fois — l’accident nucléaire, à Tomari, ce jeudi 6 sept. 2018 !

Bien « qu’échaudé » par des catastrophes nucléaires [1] aussi bien que climatiques, le monde continue de foncer dans le mur ! Le Japon focalise toutes les attentions, mais les dangers sont aussi à notre porte aussi bien qu’à celles des proches pays frontaliers ou plus éloignés.

Là où naît le soleil

Le séisme de magnitude 6,7 sur l’échelle de Richter qui a touché le nord du Japon, hier, jeudi 6 septembre, a engendré des coupures électriques massives (2,6 millions de foyers), y compris au niveau de la centrale nucléaire de Tomari (sur l’île d’Hokkaidō) qui a été privée d’alimentation électrique externe pendant dix heures. Heureusement, les alimentations électriques de secours ont permis de maintenir le refroidissement du combustible nucléaire entreposé en piscine… C’est là : . Cette fois, les groupes électrogènes qui ont si souvent fait défaut dans de nombreux accidents antérieurs ont fort heureusement fonctionné. Mais ce nouvel avatar météorologique en dit long sur la vulnérabilité de ces équipements industriels. On se souvient évidemment en France de l’inondation de la centrale nucléaire du Blayais qui s’est produite le 27 décembre 1999 (sans compter la proximité des installations classées Séveso du bec d’Ambès).

« Échaudé », le Japon l’a été plus que tous, d’abord par le nucléaire militaire à Hiroshima et Nagasaki, puis civil à Fukushima Daiichi [2]. Après avoir stoppé l’ensemble de son parc quelques années après l’accident, d’irresponsables technocrates, politiques (dont son Premier ministre, Shinzō Abe) et financiers, ont néanmoins entrepris de relancer quelques réacteurs, parfois illégalement, contre la volonté de la population de l’île et les recours en justice.

Deux jours auparavant, le 4 septembre, le typhon Jebi avait fait des victimes et ravagé une partie de l’archipel nippon (préfecture d’Osaka), balayant l’aire de 19 réacteurs nucléaires, dont deux en fonctionnement, entraînant là aussi d’innombrables interruptions d’alimentation électrique.

Chats noirs

Cyniquement, en France, les susdits irresponsables enferrent eux aussi la population française dans une dépendance obstinée au nucléaire qui nous menace nous et nos voisins, sans compter celles des éventuels pays clients (désormais plus rares) de cette technologie mortifère. La procrastination politique est plus que jamais d’actualité ! De gouvernement en gouvernement, chacun se refile la patate chaude.  Citons tout à trac : la fermeture différée de Fessenheim 1 et 2, la réduction de la part nucléaire (reléguée aux calendes grecques) et d’électricité consommée, les déchets, le désarmement atomique… quant il conviendrait de tarir la production de combustible et de déchets nucléaires, d’engager et d’accélérer des fermetures de réacteurs, d’agir pour baisser la consommation électrique et d’investir massivement dans les économies d’énergie, les renouvelables, etc. A contrario de la poursuite du coûteux et obsolète EPR de Flamanville, du grand rafistolage des réacteurs et leur fort dangereuse prolongation au-delà de 3, 4, 5 voire même 6… décennies, des probables irrésolutions du prochain Plan pluriannuel de l’énergie (PPE) désormais coaché par le très macron-compatible de Rugy, qui s’est lui aussi volontairement précipité dans la masochiste lignée des mangeurs de chapeaux.

Aspics, couleuvres et boas avalés (mais pas forcément digérés) le « Aie confiance » chanté par l’énigmatique « Kaâ » reprend du service. Le calendrier s’y prêtant fort opportunément, le rapport commandé au printemps par le ministre de l’économie Bruno Le Maire et par l’ex-ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot sur « le maintien des capacités industrielles de la filière nucléaire en vue de potentielles nouvelles constructions de réacteurs » confié à deux industriels pronucléaires [3] est tombé simultanément ; il recommande une provocatrice relance de la construction de six (6) nouveaux EPR ! « Ce n’est pas un rapport qui décide de la politique du gouvernement », avait réagi Bruno Le Maire, sur Radio Classique. Pour nous, c’est tout vu, même si les sites possibles ne courent pas les bords de mer et moins encore ceux des fleuves. Enfin, les reins financiers d’EDF et d’Orano sont loin d’être suffisamment solides pour de tels investissements (mais les monteurs financiers sont probablement déjà à l’œuvre)… Reste que la volonté d’EDF est encore de ne fermer aucun réacteur — autre que Fessenheim — avant 2029 !

Cause toujours…

Parallèlement les faux semblants de la concertation refont massivement surface. De nouvelles consultations du public via internet sont déjà prévues ou annoncées quant les précédentes, largement défavorables, ont tout bonnement été ignorées. Lancée par Le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), l’une s’est ouverte il y a peu et durera jusqu’en mars 2019. Elle porte sur « l’amélioration de la sûreté des réacteurs de 900 MW du parc nucléaire français, dans le cadre de leur quatrième réexamen périodique » [4]. Malgré toutes ses anomalies, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait auparavant soumis à la consultation du public par voie électronique son «  son projet d’avis relatif à l’anomalie de la composition de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de la centrale nucléaire de Flamanville » (entre le 10 juillet et le 12 septembre 2017). Au vu de sa décision, concluons que les 13 000 contributions de particuliers ont pour le moins été traitées par dessus la jambe. Chacun pourra mesurer ce qu’il adviendra des trente-trois mesures préconisées par la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité nucléaire à la suite d’une large consultation (dont le réseau SdN, représenté par Charlotte Migeon et Martial Château [ce dernier étant aussi coprésident de SdN72], c’est là : ) visant à mieux protéger les centrales françaises et présentées par la rapportrice Barbara Pompili qui en est à l’origine, via la demande du groupe La République en Marche (LREM). Bis répétita pour l’ASN qui soumet à nouveau à la consultation du public, entre le 3 et le 24 septembre 2018, son « projet de décision autorisant la mise en service et l’utilisation de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ». Une prochaine « mise en œuvre d’un débat public national sur la gestion des déchets nucléaires », la troisième du genre sur CIGéo-Bure est également prévue à l’automne (les précédentes datent de 2005 et 2013). La grande majorité des organisations présentes sur les terrains ont d’ores et déjà prévu de la bouder.

En cette reprise, le « cause toujours, tu m’intéresses » sera fortement opérationnel. Sur le terrain, les investigations et la répression militaropolicière, voire judiciaire, s’active.


[1] Kychtym, Tchernobyl, Three Mile Island, Fukushima, Saint-Laurent-des-Eaux, Blaye…

[2] Comme de beaucoup trop nombreux pays (dont la France), le pays du Soleil Levant a essuyé de nombreux autres accidents nucléaires de moindre gravité sur l’échelle INES de huit niveaux, mais néanmoins parfois très préjudiciables à la santé des populations.

[3] Yannick d’Escatha, conseiller du PDG d’EDF et ex-administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique, et Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement jusqu’en juin 2017.

[4] Réexamens périodiques décennales. Trente-quatre des plus anciens réacteurs du parc français sont dans leur quarantième année d’utilisation et vont donc subir cet examen.


Posters du site gratuit : http://int.nonukeart.org. Illustration : Le Canard enchainé du 1/11/17.