L’abbaye d’Entrammes éclaire ses ouailles


2015, 2016, 2017 – Entrammes (53)

Abbaye d’Entrammes (à proximité de Laval), ici, à n’en pas douter, les moines apportent — vraiment — la lumière.

Latitude : 47°59’52.55″N, longitude : 0°44’23.00″O

On est ici hors Sarthe, mais toujours dans le Maine. Cette petite cité de l’ancienne province n’est qu’à seulement 35 km de Sablé-sur-Sarthe, 38 km de Brûlon, 70 km du Mans, 10 km au sud de Laval, à vol d’oiseau bien sûr (distance orthodromique).

Cette commune n’est connue des Sarthois que par des férus d’archéologie pour ses remarquables thermes galloromains [1], des amateurs de pâtes molles [2] ou des grimpeurs [3].

Moins longue, moins connue et moins fréquentée, la descente de la Mayenne à vélo ou à pied vaut bien celle de la Loire, du canal de Nantes à Brest, de l’Ille et Rance… et n’est qu’à quelques tours de pédaliers.

Alors quoi ?

La commune est aussi connue pour son abbaye : Notre-Dame-de-Port-du-Salut. Les moines y ont quasi inventé et longtemps produit le fameux fromage puis, comme l’évoque notre chapeau en introduction, de l’électricité.

Le moulin jouxtant l’abbaye, sur la rive gauche de la Mayenne, remonte à 1858. Au début du vingtième siècle, la meunerie était encore équipée de deux turbines et huit paires de meules, ce qui en faisait le plus gros moulin de la région avant d’entamer un lent déclin avec l’apparition des minoteries industrielles et sa fermeture en 1914.

Depuis 1933, l’ancien moulin a mué en centrale hydroélectrique. Depuis, elle a bien évidemment été rénovée. Récemment, seulement en 2013, moyennant un investissement de 600 000 euros émanant d’une souscription et d’un emprunt. Elle exploite une chute d’eau sur le lit de la Mayenne de 2,40 m formée par le barrage de Port-Rhingeard (en tout cas, l’écluse est à ce nom) construit autour des années 1870-1876, selon les sources.

Sa production annuelle d’environ 1 million de kWh est réinjectée sur le réseau EDF. Soit un équivalent-énergie d’environ 700 foyers (consommation hors chauffage, évidemment) et alimente l’intégralité des besoins en électricité de l’abbaye. Pour comparer : un peu moins de trois foyers sur quatre du village (2 237 habitants en 2014). La production est à son maximum de novembre à mars, quand la pluviométrie est la plus forte et les besoins en électricité plus importants.

Les nourritures célestes ne sauraient toujours contenter l’estomac. La revente des kW de la centrale électrique est l’un des plus gros postes de revenu de l’abbaye. L’’appoint qui permet aux moines cisterciens de mettre un peu de beurre dans les épinards et boucler les fins de mois émane aussi des dons, de la location de 55 hectares terrains inutilisés, de la vente de produits monastiques : bougies, biscuits… et de l’hôtellerie (25 chambres). Si vous êtes candidat à une retraite spirituelle, leur site est là : (hélas, vous n’y trouverez rien sur la production hydroélectrique). Contact : tél. 02 43 98 07 30.


En Sarthe, le moulin de Gord, à Noyen-sur-Sarthe, est aussi devenu une centrale hydroélectrique depuis le début des années soixante-dix. Vous trouverez un peu plus de matière ici : .

En amont d’Entrammes, au nord de Laval, la Mayenne est jalonnée de vingt-quatre micro-centrales hydroélectriques (sans aucun équivalent en Sarthe) gérée par une filiale d’EDF : Shema. En 2014 et 2015, 16 des 24 anciennes turbines hydroélectriques dites à siphons (entre les communes de Sainte-Baudelle et Saint-Jean-sur-Mayenne), implantées dans les années 1960, ont été remplacées par des turbines ichtyophiles (qui laissent passer la ressource halieutique [poissons]) mais aussi plus performantes et moins bruyantes, du fabricant MJ2 Technologies. Notre article sur le sujet est là : .


[1] Découverts en 1987, seulement ! Chauffés par hypocauste, une technique ancienne repensée et réintroduite en Sarthe par Jesús Castellanos. Sur notre site, c’est au moins ici :  et décrit par le coprésident de SdN 72 pour le journal du Réseau national Sortir du nucléaire (titre éponyme), c’est ici :  pages 37 et suivantes.

[2] Le port-salut, fromage pasteurisé dont le nom provient de l’abbaye Notre-Dame-de-Port-du-Salut, sera produit in situ par les moines trappistes de 1860 à 1959. Cette année-là, la SAFR, Société anonyme des Fermiers Réunis, reprendra l’activité aux moines de l’abbaye — sans qu’ils lui cèdent la recette de leur fromage — car leur trésorerie ne pouvait supporter la rénovation de la fromagerie. Elle-même la revendra, en 1976, à la filiale du groupe Bel : Bel FoodService qui le produit aujourd’hui à Sablé et à Clairie, dans la Meuse, et sous différentes déclinaisons un peu partout en Europe. Parallèlement, de 1959 à 1995, les moines ont continué à produire leur Fromage de l’Abbaye, diffusé régionalement. Aujourd’hui, la Fromagerie Bio du Maine (installée sur un terrain racheté à l’abbaye du Port-du-Salut), produit un fromage bio à pâte pressée non cuite et au lait cru, l’entrammes.

[3] Falaise d’une cinquantaine de voies (équipées), de niveau 4b à 7b (hauteur de 10 à 25 m).


Crédit photos : SdN 72.