« Retombées silencieuses » : soirées doc + débat à La Flèche et au Mans


Le lundi 20 et mardi 21 octobre 2025 — À La Flèche (au Kid) et à Le Mans (aux Cinéastes). 

Semaine 43, Sortir du Nucléaire 72 et Le Collectif 72 pour la Paix ont proposé deux soirées — projection-débat — en partenariat aves les cinémas : Le Kid (à La Flèche, lundi 20 octobre) et Les Cinéastes (à Le Mans, mardi 21 octobre). Au menu : le film-documentaire « Retombées silencieuses » (Silent fallout, sous titre : Mon corps est la preuve) —, en présence de Yûki Takahata [1] (photo) en lieu et place de Hideaki Ito [2] et Martial Château (SdN 72) pour les échanges avec le public qu’on présume avoir été enrichissants pour tous.

De l’intérêt et des priorités 

Au total, une cinquantaine de personnes se sont intéressées aux deux projections de « Silent fallout » (en version originale), à La Flèche et au Mans (organisateurs et trices compris·e·s). Dont, quelques « Gen Z » exogènes.  Une bien modeste fréquentation eu égard aux dangers considérables du nucléaire tant militaire que civil, alors même que le monde bruit de menaces majeures proférées par quelques potentats pétris d’hubris.

Digest

Si l’élaboration de la première bombe atomique étasunienne à Los Alamos (au Nouveau-Mexique) est plutôt connue, les conséquences désastreuses et contrastées des nombreux essais nucléaires sur son territoire dans le Nevada l’est moins, voire pas du tout. Moins encore le combat poignant de Louise Reiss (médecin à St Louis, Missouri) et du large mouvement des mères qu’elle a initié via un large collectage des dents de lait de leurs (60 000 ? vous vous rappelez du chiffre ?) enfants établissant la preuve de leur contamination notamment au Strontium-90 plus aisément isolé et identifié dans la dentine. Une énorme campagne  qui a contribué à la décision du président Kennedy d’arrêter les essais nucléaires atmosphériques qui se poursuivront néanmoins sous terre.

Simultanément la pollution atomique c’est très largement déplacée et accentuée dans le Pacifique (îles Marshall, atolls Moruroa et Fangataufa, etc.) et aussi étendue ailleurs en mer et sur les continents notamment par les Étasuniens, Français [3], Anglais, Israéliens, Sud Africains, Australien, Chinois, Indiens, Pakistanais (plus récemment, Nord Coréens)… et massivement Soviétiques (à l’aune des Américains) notamment 91 essais (les plus puissants) atmosphériques en Nouvelle-Zemble et 456 essais sur le site de Semipalatinsk au Kazakhstan. 

Agora

À l’issue de cette — certes — « plombante » mais factuelle introduction, les échanges ont évidemment évoqué l’omerta sur les maladies corrélées aux essais nucléaires de l’Oncle Sam, mais aussi les expérimentations françaises et leurs conséquences au Sahara et en Polynésie (210 en tout, supra). Évoqué aussi le très ambivalent concept de dissuasion naïvement entretenu par la doxa. L’apocalyptique arsenal mondial : 12 300 ogives nucléaires et deux « têtes » qui dépassent : plus de 5 000 pour la Fédération de Russie, moins de 5 000 pour les États-Unis (actives et/ou en demeure de l’être [c’est la tendance, les chiffres sont très contrastés], soit 90 % du stock mondial) et la Chine, en embuscade, remonte furieusement ses capacités ! Le Traité d’interdiction des armes nucléaire (TIAN) — que la France continue d’ignorer [4] (comme tous les pays dotés) — bien qu’entré en vigueur le 22 janvier 2021 (adopté à l’ONU, en 2017, par 122 États, 95 l’ont signés et 74 ratifiés à ce jour). Mais encore, les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima notamment du fait de l’investissement documenté de l’intervenante, Yûki Takahata, originaire du japon.

L’évidant lien historique entre le nucléaire civil et militaire récemment réactualisé par la  « réquisition » de la centrale (civile d’EDF) de Civaux pour la production de tritium à usage militaire (Tritium utilisé dans les charges atomiques qui doit être en partie renouvelé tous les sept ans vu sa « période » de 12,33 ans [5]) impliquant d’incessantes navettes entre l’Île Longue et le CEA de Valduc (Cote d’Or) et retour. Via – Le Mans – par : voie ferrée, routière ?

En clôture de cette soirée, l’exorbitant coût de cette prétendue « dissuasion » et sa proportion dans un budget présentement si décrié au détriment des secteurs sociaux fondamentaux, de la santé, de l’éducation, du dérèglement climatique à bien évidemment été  fléché et condamné.

« Bruit de fond » médiatique : néant

Titre ad hoc ! « Retombées silencieuses » va comme un gant au traitement médiatique de nos deux soirées. Aucun médias : papier, audio, télévisuel, numérique… Ni article, ni communiqué, ni interview… seule, l’annonce dans info-locale. Le long fleuve tranquille et silencieux de l’atome poursuit son chemin. Jusqu’à quand ?


Notes

[1] Yûki Takahata est née à Tokyo et réside en France depuis 1974. Traductrice, journaliste et autrice de plusieurs livres en japonais sur la société et la culture françaises, elle écrit aussi de nombreux articles et essais sur l’actualité française. Depuis l’accident de Fukushima en mars 2011, elle s’est engagée activement dans des associations antinucléaires, notamment au sein du Réseau Sortir du nucléaire, et a participé à la création de « Yosomono-net » (traduire « étranger », disponible en quatre langues, réseau de militant·e·s de la diaspora mobilisés pour porter la voix des habitants de Fukushima dans le monde). L’association collabore régulièrement avec « Nos voisins lointains 3.11 » https://nosvoisinslointains311.home.blog/ pour relayer les informations concernant le nucléaire au Japon, sur les conséquences de l’accident de Fukushima, entre autres.

[2] Souffrant, le réalisateur du film, Silent Fallout, Hideaki Ito, initialement prévu pour échanger avec le public a malheureusement dû renoncer à sa «  tournée » en Europe.

[3] 17 Essais dans le Sahara Marocain, 193 en Polynésie [essais aériens et souterrains cumulés])

[4] En 1996 la France a signé le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Elle poursuit cependant des essais nucléaires par simulations lasers (projet Mégajoule) au Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine (CESTA) sur commune du Barp en Gironde. Comme d’hab : estimé à 1,2 milliard d’euros en 1995, il a finalement coûté 6,6 milliards d’euros en 2009 bien que le projet prévu de 240 faisceaux ait été réduit à 176 !

[5] C’est-à-dire qu’il faut un peu plus de 12 ans pour que sa quantité radioactive d’origine se désintègre de moitié et ainsi de suite.


Photos : Yûki Takahata et Sortir du nucléaire 72

Pour aller plus loin

« Silent fallout » (Retombées silencieuses)
2023, 73 min., film en VO sous-titrée en français. 

Cela fait plus de vingt ans que le cinéaste japonais Hideaki Ito enquête sur les conséquences des essais nucléaires américains effectués depuis 1946 dans l’océan Pacifique et le désert du Nevada.

Au Japon, ce sont plus d’un millier de bateaux de pêche qui ont été victimes des retombées radioactives. Ito n’a pas cessé de rassembler des documents, y compris ceux en provenance des États-Unis, ainsi que des témoignages de pêcheurs exposés et/ou de membres de leurs familles endeuillées. Depuis 2004, il réalise des documentaires et des émissions de télévision sur le thème de l’exposition aux essais nucléaires.

Ito produit et réalise en 2023 son film documentaire, « Silent fallout » (Retombées silencieuses), qui retrace l’enquête aux États-Unis de Louise Reiss, médecin à Saint-Louis dans le Missouri, sur les dents de lait. Il s’agissait d’un véritable mouvement de femmes, dont beaucoup de mères au foyer, qui souhaitaient révéler la présence dans le corps de leurs enfants d’un élément radioactif, le Strontium-90, afin de prouver le danger des essais nucléaires. Ce sont leurs actions à travers tout le pays qui ont conduit le président Kennedy à prendre la décision d’arrêter les essais atmosphériques.

Grâce aux témoignages de première main de personnes touchées par la pollution ainsi qu’à des entretiens avec des chercheurs scientifiques, Ito révèle la contamination radioactive due aux essais nucléaires du Nevada sur l’ensemble du territoire des États-Unis. Cependant, le documentaire va encore plus loin et dévoile la véritable dimension des dommages : la contamination radioactive à l’échelle mondiale, en particulier à la suite des essais effectués dans l’océan Pacifique et en ex-Union soviétique.

Ce film contient une multitude d’informations scientifiques précieuses et documentées ainsi que des témoignages de victimes. Un documentaire historique qui constitue également un outil pédagogique puissant.

 

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