Août 2025 — Sarthe…
À la mi-octobre 2024, puis le 8 juillet 2025, le Sénat a adopté, l’inepte proposition de loi dite « Gremillet » (infra) modifiée, en deuxième lecture. L’Assemblée nationale l’a largement rejetée en première lecture à la mi-juin. Elle la réexaminera à son tour, fin septembre. S’ensuivra une probable commission mixte paritaire attendue mi-octobre dont le texte sera ultérieurement à nouveau soumis aux votes des deux assemblées.
Qu’ont voté·e·s les élu·e·s sarthois·es ? À l’examen, une « noble » cohérence serait à travailler pour l’aristocrate du Lude !
Dégrossi rapide du brûlot Gremillet… et de ses affidés et satellites
Précisons d’entrée que la loi Gremillet vient en défaut de la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) initialement prévue au calendrier pour la mi-2023 conformément aux engagements pris dans la loi « Énergie-Climat » de 2019, et qui n’a cessée d’être différée depuis !
Ce projet de trajectoire énergétique pour la France est d’abord un « fourre tout » de propositions portées par l’extrême-droite, remastérisées par la droite, deux entités qui ont pesé sur les contenus et le vote des amendements à la Chambre haute comme à la Chambre basse. Hélas, le consensus s’élargie jusqu’à une certaine gauche (PS, PC…) autour d’un objectif majeur : le maintien et la relance du nucléaire ! Sur la seconde marche vient : un moratoire sur les énergies renouvelables (l’éolien et le photovoltaïque). Citons encore : un coup de rabot sur l’objectif d’efficacité énergétique d’ici 2030 et sur la rénovation des passoires énergétiques… voire, la réouverture des réacteurs de Fessenheim, la relance de la surrégénération, de la fusion via (ou pas) les AMR et/ou SMR, etc. Une déraison économique, financière, technologique, climatique et calendaire !
Quid des convictions
Quid, du positionnement des élus sarthois au parlement : au Sénat et à l’Assemblée nationale en première instance, au Sénat en seconde instance (et à venir, à l’AN fin septembre) !
Ça ne vous a pas échappé, la Sarthe compte 3 sénateurs (élus fin septembre 2014, réélu en 2020) : M. Louis-Jean de Nicolaÿ (LR) [1] ; Jean-pierre Vogel (LR) : LR ; M. Thierry Cozic (PS). Les prochaines élections sénatoriales en Sarthe (série 2) seront en septembre 2026.
Concernant la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, de M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 26 avril 2024 (loi dite « Gremillet »), notons que Louis-Jean de Nicolaÿ (LR) et Jean-pierre Vogel (LR itou) font parti desdits collègues qui l’ont présentée, c’est là : ▶.
● En première lecture (les 15 & 16 octobre 2024), Scrutin n°10 – séance du 16 octobre 2024. M. Louis-Jean de Nicolaÿ : et Jean-Pierre Vogel tous deux sénateur Les Républicains ont par conséquent voté pour la loi Gremillet… comme 124 de leurs 131 collègues (7 n’ont pas pris part au vote). À l’inverse, le sénateur PS, Thierry Cozic a voté contre. C’est là : ▶.
● Le 24 juin 2025, l’Assemblée nationale a rejeté la susdite proposition de loi. Les cinq députés de la Sarthe : Julie Delpech EPR ; Jean-Carles Grelier Les démocrates ; Marietta Karamanli Socialistes apparentés ; Élise Leboucher LFI-NFP ; Éric Martineau Les démocrates, ont unanimement votés contre. C’est là : ▶.
● En seconde lecture, Scrutin n°367 – séance du 11 juillet 2025, M. Louis-Jean de Nicolaÿ a évidemment voté de nouveau pour la loi Gremillet, idem Jean-pierre Vogel ! M. Thierry Cozic a voté contre. C’est là : ▶.
Aux petits arrangements
Le 23 avril de cette année 2025, la société Verso Energy (qui à pris le relai de la société Neoen) avait inauguré une centrale photovoltaïque à La Chapelle-aux-Choux, commune voisine du Lude, composée de 14 040 panneaux solaires de 550 kWc chacun (environ 40 000 m2 de PV), chaque « string » sertissant 27 panneaux. Sa mise en production remonte en réalité au mois de septembre 2024. La centrale est installée sur une ancienne sablière exploitée par Pigeon Granulats, fermées en 20??, et, depuis, en friche. Au lieudit la Giraudière face à une autre sablière, en activité, exploitée par la même entreprise. Installée sur 7,1 ha, sa puissance avoisine les 7,71 MWc (production estimée : 8,86 GWh d’électricité par an) répondant à la consommation raisonnée (hors chauffage) de 4 000 habitants et l’évitement de 2 500 tonnes de CO2 par an selon l’exploitant. Coût : autour de huit millions d’Euros. Nous nous réjouissons évidemment de ce nouvel apport au mix de production électrique à partir d’une source renouvelable, à ceci près que nous ne l’envisageons qu’en contrepartie d’un recul proportionné de la production nucléaire jusqu’à sa disparition la plus rapide possible et intégré dans un véritable service public à réinventer.
Pour autant, le bas (symbole du joug harassant des animaux mais aussi des opprimés) blesse ! Le propriétaire du terrains (des carrières voisines, des bois de la Perraudière…) avec qui la société Verso Energy a signé un bail emphytéotique d’une quarantaine d’années, n’est autre que le richissime aristocrate du château du Lude, Louis-Jean de Nicolaÿ.
Fervent nucléocrate, pourfendeur sans discernement de l’énergie éolienne [2] notamment et solaire… En tant que bailleur, il percevra une redevance dite « canon emphytéotique » sur probablement quatre décennies, pour une activité qu’il disqualifie par ailleurs via son mandat au palais du Luxembourg (vote supra). La commune de la Chapelle-aux-Choux, le Département, la Communauté de commune Sud Sarthe, percevront également les retombées financières de l’Imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER).
Lors de l’inauguration, Antoine Huard (cofondateur et directeur général de Verso Energy) a dénoncé la « désinformation » (importation des panneaux PV, risques de blackout du réseau) sur le photovoltaïque et la longueur des procédures pour monter un tel projet. S’il ne pouvait ignorer que le bayeur du terrain — Louis-Jean de Nicolaÿ — était cosignataire d’un projet de loi visant à supprimer les subventions au solaire et à l’éolien, il n’imaginait sans doute pas que deux mois et demi après avoir coupé le ruban, il voterait pour une seconde mouture visant à obtenir un moratoire sur ces deux EnR.
S’il n’y a pas là conflit d’intérêt au regard de la loi, on acte néanmoins qu’en se qui concerne celui de son intérêt financier personnel, le Comte du Lude délaisse volontiers ses convictions soit disant au service de ceux qu’il est sensé représenter [3] quand se présente un possible profit pour son propre compte.
Sénateur et Homme de bien, Nicolaÿ, fait mal ! On en pince aucunement pour vous, Monseigneur !
Notes
[1] Notons que Louis-Jean de Nicolaÿ est aussi (entre autres), membre de la commission de l’aménagement du territoire et du… développement durable du Sénat. Outre son titre de noblesse, au cours de sa vie il a collationné les mandats de : conseiller général (départemental aujourd’hui) de la Sarthe, conseiller régional Pays de la Loire, adjoint puis maire du Lude, président (en charge) de la CC Sud Sarthe…
[2] Il était très proche de Giscard VGE (c’est ici : ▶), et tous les deux à l’UDF que VGE présidera. Ce dernier était venu le soutenir aux législatives de 1993 (qu’il a perdue)… Promoteur du nucléaire dans les années soixante dix, Giscard a terminée sa vie en croisade contre l’éolien (cf. préface du livre L’imposture – Pourquoi l’éolien est un danger pour la France, de J.-L. Butré [ex EDF, pape de Vent de Colère]). Très anti-éolien l’un et l’autre, ils avaient en commun la chasse ! Des prédateurs d’oiseaux (avec chats, voitures…), réputés notoirement plus destructeurs de tétrapodes vertébrés que l’éolien. Et on ne vous dit rien de l’écocide halieutique (cf. actualités) des centrales nucléaires qu’ils n’ont cessés de promouvoir !
Sa femme, Barbara (d’Ursel de Bousies) est au bureau de l’association anti-éolienne Défense de la nature, du patrimoine et des paysages de la Vallée du Loir (DNPPL).
Selon les sociologues Monique Pinçon-Charlot et (feu) Michel Pinçon les propriétaires de châteaux ont une aversion commune de l’éolien. En Sarthe : Le Lude, Ballon (donjon de), le Petit-Béru à Vallon-sur-Gée, le manoir de Courtilloles de Saint-Rigoler-des-Bois, le manoir de Guiberne à Vallon-sur-Gée, dont les propriétaires ne s’empêchent pas de guerroyer contre l’éolien lors des journées du Patrimoine, etc. Pas loin, le Collège royal et militaire de Thiron-Gardais (68 km du Mans) propriété du Don Quichotte anti-éolien et monarchiste nostalgique Stéphane Berne.
[3] Son leitmotiv pour l’élection de 2020 était : « Agir pour nos territoires. »
Illustration : capture d’écran Google Earth. Dessin : de Pierre et Charmag.