Voltuan, portrait d’un ex-Sarthois bien singulier, aux engagements pluriels


Intemporel – France et au-delà

De tous ses combats, comment aurait-il pu ne pas être du nôtre ? Depuis plus de deux décennies, Voltuan (pseudo) dresse ses placards typographiques indignés et révoltés au-dessus de la hauteur de toise des « traîne-savates » et/ou ardents activistes de toutes les manifestations d’ici et d’ailleurs.

Ubiquité ?

Voltuan, alias Jean-Baptiste Reddé, c’est le Charlie [1] de toutes les manifestations de France et de Navarre et de bien des capitales européennes : Paris, Madrid, Athènes, Londres, et pas que… Tout militant, un tant soit peu assidu, l’a déjà croisé en manif. Tel, Mouna Aguigui (cf. web) en d’autres temps, il fait désormais partie du paysage des manifestations « progressistes ».

Provinciaux, nous le croisons évidemment moins souvent, mais qui a déjà repéré le personnage au masque d’Anonymous (qu’il délaisse de plus en plus souvent) et aux écriteaux brandis à bout de bras cherche invariablement à le localiser physiquement sur d’autres manifestations, à défaut, sur les images médiatiques, photos et vidéos comprises, ou sur les réseaux sociaux. Sa visibilité est travaillée et ses messages ne le sont pas moins. Si ce n’est pas probant ici, sur nos photos, on vous invite à consulter les nombreux liens disponibles sur le personnage (dont quelques-uns ci-dessous) sur le web. Ses apostrophes portées en cimaises sont généralement travaillées, ciselées, façon titrailles du Canard enchaîné, Charlie Hebdo, voire Libé. Petite sélection au hasard : « Les sans-dents ont les crocs » ; « Rémi Fraisse, notre frère d’arbre » ; « Gaza-sur-Seine mon amour » (été 2014)… Plus classique, son : « Écoutez la colère du peuple » émergeant des fumigènes pendant la bataille des retraites (versus Fillon 2010) a fait le tour du monde et lui a valu un portrait dans le quotidien espagnol El País. Envie d’un retour d’images sociales sur notre époque contemporaine, ça « panneaugraphie » est là : .

Militant multi-(pan)cartes

Figure incontournable des manifs avec son bonnet à antennes et aux couleurs de Maya l’abeille vissé sur le crâne, Voltuan est de toutes les luttes : sociales, environnementalistes, altermondialistes, climatistes, féministes, humanistes, sociétales, antispécistes, pour la Paix et le respect des peuples « aussi bien humains qu’animaux » !

Il est aussi de ceux de la lutte antinucléaire ! Nous l’avons coudoyé lors de la chaîne humaine antinucléaire à Paris, le 9 mlars 2013, à Flamanville le 1er octobre 2016, au rassemblement du 11 mars 2018 à Paris, à Bure à la mi-août 2017… Notre revue, enfin la revue de l’ensemble du Réseau Sortir du nucléaire, elle-même l’a retenu pour sa Une de couverture du n° 77 (printemps 2018) pour une photo portant sur une célébration anniversaire de Fukushima (photo ci-contre).

S’il « pointe » à d’innombrables rendez-vous, il lui arrive aussi d’être à la manœuvre : rassemblements pour la paix en Syrie, pour l’interdiction des pesticides, ou encore pour exiger la libération d’Oleg Sentsov [2] et ses camarades, quand ce n’est sous la forme d’un mystérieux « Collectif lycéens-étudiants-enseignants pour de réelles démocraties » nous révèle Libération.

Né quelque part

Mais alors, pourquoi cette chronique sur sdn72.org ? Il se trouve que notre gugusse a été biberonné à la rillette (image improbable, d’autant plus qu’il est aujourd’hui végétarien). Né au Mans le 1er avril 1957 d’un père prof’ d’anglais et d’une mère distante, délaissée, dépressive… Bref, il se construit dans la difficulté et demeure aujourd’hui encore un « orphelin de l’amour ». La Sarthe, il y a grandi et vécu jusqu’à son entrée à l’IUFM d’Angers. Viendront ensuite ses premiers postes d’instit’ remplaçant (ou professeur des écoles, c’est selon) dans le Maine-et-Loire puis en région parisienne, jusqu’à la retraite. Parallèlement il entamera une seconde activité — devenue pérenne — de « panc-artiste » commencée lors des grèves de 1995 contre le plan Juppé (droit dans ses bottes) sur les retraites.

À NDDL, il me dira le meilleur de son ami James, de feue la libraire Plurielle (retraite sans repreneur) — alias La Taupe ­— au Mans (à l’angle de la rue Gambetta et du quai Amiral-Lalande), qui a participé de sa formation littéraire, politique et poétique (plus modestement, à la mienne et de bien d’autres).

Fidèle en amitié, il maintient le contact avec quelques Sarthois·es. Mais l’animal ne se dévoile pas d’emblée aux inconnus, opposant que ce ne sont pas « les détails biographiques qui comptent dans une vie, mais ce que l’on fait de sa vie et le sens qu’on lui donne ! » On se contentera (à regret quand même) de cette bonne et saine attitude. 

Titulus en cimaise

L’homme-sandwich est aujourd’hui écartelé entre la Côte-d’Or, son lieu de résidence, et sa base de transit à Paris, entre la Sorbonne et le jardin du Luxembourg. Une chambre d’hôtel dans le Quartier latin lui sert de pied-à-terre aussi bien que de QG, au cœur des fureurs sociales et sociétales, voire d’atelier, à moins qu’il ne lui préfère une salle adjacente d’un café voisin ayant pour enseigne — ça ne s’invente pas — l’Écritoire.

Les messages de Voltuan claquent, le texte est court, les mots justes. La couleur et la composition graphique font le reste. L’interpellation brandie à bout de bras (jusqu’à sa double tendinite) du haut de sa silhouette dégingandée de 1,92 mètre va droit au but. Tutoriel militant et boîte à outils : typographie en linéales (lettres bâtons), tracées sur panneaux Kadapak, très légers de 1 m x 1,40 m avec marqueurs Posca, couleurs primaires, plus le vert et le violet. Promis, on ne touche pas un radis de promo ! Lui non plus et le singulier personnage n’a rien du mercantilisme d’un Ben (Benjamin Vautier) [3].

Perché, il l’est ! Mais rien de cabot dans le personnage. Sa priorité est d’abord dans le contenu de ses messages. Altruiste ? Compris au sens large, il l’est aussi : « Je ne lutte pas pour ma pomme mais pour toutes les pommes de l’arbre de vie », dit-il, même s’il se trouvera quelques fâcheux à relativiser toute abnégation militante. S’il cherche évidemment à être visible — sinon, à quoi bon —, pour autant, il ne vise pas personnellement la lumière ni à « taper une plaque » (expression pour photo chez les reporters). Sa constance sur le pavé, presque un quart de siècle durant, parle pour lui, mais a forcément attisé les curiosités, qui lui ont valu des papiers dans la presse et quelques inimitiés en retour.

Le susdit est aussi poète ! Une passion à laquelle il s’adonne depuis les années quatre-vingt-dix. Une spécialité « laissée pour compte » qu’il s’efforce de promouvoir, disjonctive, hors du champ de notre site et qui m’est personnellement quasi aussi étrangère que celle du militantisme. À vous d’approfondir si bon vous semble (son blog dédié est ici : ).


Des portraits, vous en trouverez plusieurs sur le web en saisissant Voltuan dans la barre de recherche : de Libération, l’Humanité, Courrier international… Une vidéo du Parisien TV (notez-le, c’est exceptionnel sur ce site !), c’est ici : . Une séquence audio sur Reporterre, c’est là : . Une douzaine de vidéos, c’est encore là : .


[1] Livres-jeux créés par le Britannique Martin Handford. À l’intérieur de chacune des images, le lecteur doit repérer Charlie, LE personnage, mêlé à un fatras d’autres qui parfois lui ressemblent quand ils ne sont pas déguisés.

[2] Opposé à l’annexion de la Crimée par la Russie (2014) et condamné à vingt ans de prison par le tribunal militaire de Moscou, le cinéaste Oleg Sentsov est détenu depuis août 2015 dans une colonie pénitentiaire du nord de la Sibérie. Il avait entamé une grève de la fin au long cours commencée le 14 mai 2018 qu’il n’a interrompue que le 6 octobre sous la menace d’une alimentation forcée.

[3] L’animal se déplace énormément. Gîte, déplacements et matos, sa poésie auto-éditée, la solidarité également, lui coûtent une blinde. Ce qui lui vaut aussi d’être sur la paille, surendetté par de nombreux crédits à la consommation. Il est possible de l’aider financièrement à partir de la plateforme de crowd funding, Leetchi, c’est là : .

Ben (Benjamin Vautier), peintre, du mouvement Fluxus et proche du Lettrisme, nous l’avions évoqué un peu plus dans notre article sur la descente « La loire à zéro nucléaire » et son arrivée à Blois qui héberge un musée sur Ben et Fluxus, baptisé La fondation du doute, c’est là : .


Photos : SdN 72. Voltuan à Flamanville le 1er octobre 2016 ; avec des militants sarthois à la manifestation du 11 mars 2018 à Paris ; le même jours devant l’espace saynète. Illustration : SdN 72 (J-L B). Capture d’écran sur MY TF 1 News. Photo paru dans Géo ; à Bure, le 14 août 2016 / © AFP/Archives/FRANCOIS NASCIMBENI – AFP/Archives/FRANCOIS NASCIMBENI.

Ci-dessous : amalgame de fragments d’images collectées sur la toile. Qu’on nous excuse s’il n’y sont pas tous : Médiapart ; Libération ; l’Humanité ; Courrier International ; AFP ; Le Parisien TV ; Géo… (en cas d’omission, nous réparerons immédiatement).