Loire : « Regardons l’invisible », animations autour de ses pollutions méconnues


Samedi 15 septembre 2018 (de 9 heures à 18 heures) – Montsoreau (49)

Le samedi 15 septembre, à l’occasion de la journée mondiale de nettoyage des pollutions sauvages, Sortir du nucléaire Loire & Vienne [1] proposait d’aller au-delà des déchets plastiques (cf. plus bas) pour approcher les pollutions invisibles et méconnues qui affectent la Loire et se retrouvent — peu ou prou — dans l’eau potable d’une partie des riverains.

À la manœuvre

L’événement était organisé par Sortir du nucléaire Loire & Vienne (cf. encart ci-dessous) et plus particulièrement SdN 49 Haut et Fort, en partenariat avec l’ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest) [2] et l’Atelier citoyen 49 sans qui et sans quoi rien n’aurait été possible.

Trois antinucléaires sarthois ont participer à cette journée nous invitant à « regarder l’invisible » au foyer culturel de Montsoreau (49), mais, à l’agenda, les opportunités du week-end étaient nombreuses, ici en Sarthe, comme sur le bassin ligérien.

Télescopage d’événements

Cette date n’avait évidemment pas été choisie au hasard puisque ce 15 septembre était aussi la date retenue pour la Journée mondiale de nettoyage (World CleanUp Day) 2018. Une journée de grande collecte de déchets, inspirée d’initiatives citoyennes estoniennes remontant à 2008 et reprise depuis dans cent cinquante pays, qui a toute sa légitimité mais qui ne concerne exclusivement que les pollutions visuelles et qu’il convient aussi de mettre en miroir d’un modèle consumériste galopant et d’une course éperdue à la croissance et aux profits.

C’était aussi la Journée européenne du Patrimoine dont le « Fleuve royal », inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco au titre de ses paysages culturels vivants, est lui-même tout un symbole sans compter le chapelet des châteaux de la Renaissance qui la bordent et qui ravissent touristes et cyclotouristes de l’Europe entière [3] ! Quid des centrales nucléaire (dont on a diminué la hauteur des tours aéroréfrigérantes et grandement augmenté leur coût)…

En dépits de cette difficulté d’exister au regard de ces autres propositions, la journée d’animations « Regardons l’invisible », autour des pollutions méconnues de la Loire, a tenu bon la rampe, mais avec un public déjà largement sensibilisé.

Bruit de fond, augmenté

Parce que cette Loire, patrimoine collectif, fierté des régions qu’elle traverse, est malmenée depuis des décennies. Sensible aux autres agressions (biologiques, chimiques), nous nous penchions plus particulièrement ce jour-là sur les pollutions invisibles de la Loire liées au fonctionnement des centrales nucléaires. Sur sa santé… et sur la nôtre par la même occasion, avec l’aide de scientifiques spécialistes du lien entre pollution et santé.

Depuis un an, des bénévoles de SdN Loire & Vienne animent un réseau de volontaires qui récoltent à intervalles réguliers des échantillons d’eau de la Loire (plus rarement de végétaux et de sédiments) mais aussi de la Vienne (cf. plus loin) qui sont ensuite analysés par le laboratoire agréé de l’ACRO à la recherche des radionucléïdes en amont et en aval des ci,q centrales : Belleville-sur-Loire (18), Dampierre-en-Burly (45), Saint-Laurent-Nouans (41), Chinon (37)  sur la Loire et Civaux (86) sur la Vienne, affluent de la Loire. Soit quatorze réacteurs en fonctionnement, plus cinq totalement arrêtés (le dernier en 1992), tous loin d’être démantelés.

Deux de ces derniers, de l’ex-filière graphite-gaz, à Saint-Laurent-Nouans, ont aussi le triste privilège d’avoir enregistré les deux plus graves accidents nucléaire du pays (le 17 octobre 1969 et le 13 mars 1980) classés 4 (sur 7) sur l’échelle INES, Échelle internationale des événements nucléaires (qui n’existait pas alors) et dont le second devrait l’être à 5 pour des rejets hors site de… excusez du peu — plutonium — finalement déversés, ni vu ni connu, dans La Loire [4] et dont on retrouve des traces dans les boires et banquettes en aval de St-Laurent aujourd’hui encore, notamment à Montjean-sur-Loire.

Mais ce n’est pas tout ! On y détecte également les traces des nombreux essais nucléaires aériens — tous identifiables — de toutes époques et nations dotées confondues. Enfin, on y retrouve aussi toutes sortes de radionucléïdes provenant des rejets permanents autorisés des centrales, notamment le tritium, dont tout porte à penser qu’il est nocif pour la santé des humains en particulier et du vivant en général, même à faible dose, et dont on s’arrange des seuils (naturellement, autour d’un Becquerel par litre, autour de 3 Bq/l après essais nucléaires, autour de… 30 Bq/l enregistrés ponctuellement en 2017 à proximité de Saumur, le seuil d’alerte — officiel — étant fixé à 100 Bq/l par les autorités sanitaires). Des risques (notamment de cancers) connus, tus, dont certains ont estimé qu’ils étaient négligeables eu égard aux atouts du nucléaire en retour !

Bref retour sur la journée

Dès 9 heures, l’intervenant de l’ACRO, Guillaume Rougier (son unique salarié, les autres membres sont bénévoles), a présenté le retour d’expérience d’un an de prélèvements citoyens des eaux de la Loire avec les premiers résultats et la synthèse de cette expérimentation (nous y consacrerons un billet spécifique ultérieurement, ce sera là : ?).

Plus récréative et ludique (avant la pose méridienne), la chasse aux déchets mystères en bord de Loire — sous forme de rébus — a parfois posé un véritable casse-tête, aux petits… comme aux grands, pour qui le décryptage était quand même moins énigmatique. Pour autant, les jeunes n’ont pas été oubliés grâce à la présence du camion « Science Tour – C’est pas Sorcier » animé par deux intervenants de l’association Les Petits débrouillards qui proposaient des jeux et expériences scientifiques sur les thèmes de l’eau, du climat et des énergies.

La fin de matinée a été consacrée à une in-formation aux prélèvements d’eau, de végétaux et de sédiments, aux protocoles de collecte, séchage, conservation, conditionnement (cf. photos ci-dessous).

La reprise était partagée en trois ateliers thématiques, coopératifs, tournants, sur les effets du tritium, les rejets des centrales et comment agir ? Le tout animé par deux membre de l’ACRO et deux « historiques » des luttes antinucléaires angevines et bien au-delà. L’énigmatique journée, malicieusement intitulée « Regardons l’invisible » s’est conclue par une mise en commun des axes et idées de mobilisations citoyennes possibles face à ces enjeux environnementaux. Tout un programme à mettre en musique sur nos territoires !

Cette initiative n’aurait évidemment pas existé sans l’engagement de nombreux bénévoles et des facilitatrices, Bettina et Séverine. Pour plus de détails, prière de vous reporter à la présentation de la journée dans le document de bas de page. La vidéo de François Nicolas est là : .


[1] C’était la seconde manifestation proposée par le collectif SdN L&V intitulée La Loire à zéro nucléaire. Celle d’avril 2017 consistait en une descente partielle de la Loire à vélo, c’est là : .

[2] L’ACRO est un laboratoire indépendant sur la radioactivité créé en 1986 à la suite de Tchenobyl, basé  à Hérouville-Saint-Clair (à côté de Caen). Le site de l’ACRO, c’est là : .

[3] En 2016, les compteurs situés sur l’itinéraire de la Loire à vélo ont enregistré 905 600 cyclistes. La partie située en région Centre-Val de la Loire (621 km) : 614 700, et celle en Pays de la Loire (373 km) : 290 000.

[4] Aveux de Marcel Boiteux, ancien PDG d’EDF, en mai 2015, dans le reportage Nucléaire, la politique du mensonge ? diffusé par Canal+.


Ci-dessus, affiche et carte : SdN Loire & Vienne et surtout SdN 49 Haut et Fort. Visuel « Loire » : SdN 72. Dessin de presse : Goutal.

Ci- dessous, de gauche à droite et de haut en bas. A-1 : banderoles sur la rive gauche de la Loire (que le maire de Montsoreau fera enlever !) ; A-2 : bilan d’un an d’actions de prélèvements ; A-3 : stand d’accueil et animations ; B-1, 2 et 3 : cycle de la radioactivité (en trois panneaux) ; C-1 : camion « Science Tour – C’est pas Sorcier » animé par l’association Les Petits Débrouillards ; C-1 bis : décryptage d’un des vingt-huit rébus (chasse aux déchets…) C-2 : présentation de la chasse aux déchets mystères ; C-3 : protocole général des prélèvements ; C-3 bis : prélèvement végétal ; D-1 : préleveurs ; D-2 : mise en commun des trois ateliers tournants (1/ effets du tritium, 2/ les rejets d’une centrale et 3/ comment agir ?) ; D-3 : des pistes pour l’action.