Bure – Cigéo : 22 (fév. 2018), v’là les flics !


Jeudi 22 février 2018 – Le Mans-Bure

Ce jeudi 22 février, à Bure [1], où la France atome-compatible compte engranger quantité de ses déjections nucléaires en une immense catacombe, les chaussettes à clous ont frappé dès potron-minet ! À 6 h 15, d’abord à Mandres-en-Barois contre les « hiboux, chouettes et sentinelles » qu’elles ont expulsé du bois Lejus, puis, par une nouvelle perquisition vers 11 h 15, à la « Maison de la résistance » [2] menée manu militari et fracas. 

Bure s’invite devant la préfecture de la Sarthe

Le même jour, au Mans — et sur tout le territoire —, les plus révulsés se sont spontanément rassemblés devant au moins soixante-treize  préfectures pour protester contre l’intervention policière, sur les lieux de résistance au projet de Centre industriel de stockage géologique de Bure.

Au moment fort de la mobilisation, entre 18 et 19 heures, soixante-cinq personnes (parmi celles qui ont pu être contactées et se rendre disponible) sont venues manifester leur opposition à la méthode forte employée contre les opposants au projet Cigéo d’enfouissement de déchets radioactifs de Bure, devant la préfecture de la Sarthe, de 18 à 19 heures.

Retour sur trois interventions (dont les deux coprésidents de SdN 72) : Thierry Touche pour une brève narration des événements du jour à Bure ; Martial Château sur l’absurdité de poursuivre la production d’énergie nucléaire et à celle des déchets en résultant, la mauvaise solution de l’enfouissement (irréversibilité, risques d’incendie avec les déchets bitumineux), les revers (Wipp, cogéré par Areva, Nouveau-Mexique, États-Unis ; Asse, Allemagne), et l’agenda à venir de la lutte antinucléaire (le 11 mars à Paris, le 14 mars à Flamanville… consulter ce site) ; et Camille (pseudo), un strigidé [3] qui « niche » de temps à autre à Bure, a lu l’Appel à résistance de quelques « hiboux » de Bure que vous pourrez consulter ici : .

Aux militants et sympathisants du groupe SdN 72 s’étaient joints des membres d’organisations historiquement antinucléaires, d’autres apparues plus récemment, ceux d’une mouvance qui s’affirment plus dure (slogan en fin de rassemblement) et même d’historiquement moins critiques sur le sujet. Oui ! le doute s’immisce jour après jour, y compris chez les plus anciennement acquis au nucléaire. Fini les sempiternelles croyances dans l’indépendance, la fiabilité, la rentabilité de l’atome. La sécurité, l’héritage, son coût, les compétences internes sont inventoriés, revisités, réévalués et définitivement entamés ! Le colosse a des pieds d’argile !

Valeur ajoutée ! Les plus frigorifiés ont aussi pu se réchauffer d’une soupe bien chaude ou d’un thé qui ne l’était pas moins, mitonnés à quelques pas par une équipe périphérique d’Alternatiba. Merci à eux pour ce bonus de convivialité.

Un Kaa de conscience

Hulot n’avale pas que des couleuvres ou des boas constrictors [4], il sait aussi se métamorphoser en Kaa ! Alors qu’il se réclame ici et là de la méthode disant « privilégier le dialogue à l’usage de la force et de la brutalité », dans la coulisse, celles-ci se tramaient de la pire des manières, celle de la carotte et du bâton. Alors que Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du susdit ministre de la Transition écologique, devait « concerter » le jour même en Meuse et Haute-Marne et entendre des voix opposées au projet en préfecture de Bar-le-Duc le lendemain, l’opération « César, le retour » [5] se menait manu militari sur le terrain, coupant court à tout dialogue.

Demain…

Copropriétaire de cette « Maison de la résistance » avec l’association Bure – Zone libre (cf. note 2), le Réseau Sortir du nucléaire a porté plainte pour violation de domicile.

Le pouvoir y « gagnera » sans doute aussi des comités de soutien à Bure (prompts à toute réaction) sur tout le territoire, à commencer par la Sarthe. Qui s’intéressera, saura !

Dès le vendredi, des « hiboux » sont réapparus dans les branches faîtières des arbres du bois Lejus.

Arrêtons d’en produire !

Dans les années 1990-2000, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a prospecté sur tout le territoire (surtout les contrées les moins peuplées, corrélées à moins d’opposition) pour implanter ses poubelles nucléaires, histoire de planquer la poussière sous le tapis le temps de quelques générations. Des dizaines de lieux et différents sols (argile, granite…) avaient été pressentis. Si la Sarthe n’a pas été menacée, son immédiate périphérie l’a bel et bien été,3-singes le plus proche projet se situant à une douzaine de kilomètres de Sillé-le-Guillaume (sur notre site, c’est là : ), mais aussi à Athis-de-l’Orne, dans l’Orne, comme son nom l’indique (à 60 km des Alpes mancelles) et au Bourg-d’Iré, dans le Maine-et-Loire (51 km de Sablé-sur-Sarthe).

De ces projets, tous très fortement chahutés, seul celui de Bure perdure ! Après le renoncement du gouvernement à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mener à bien le projet Cigéo devient l’enjeu de sa propre crédibilité et de sa capacité d’affirmer sa fermeté. La bataille en sera d’autant plus difficile, mais le défit est relevable.

On l’a brièvement vu supra, l’enfouissement est loin d’être satisfaisant. En plus de Cigéo, la région de Bure accueille plusieurs autres centres de conditionnement et/ou d’accueil de déchets nucléaires de moindre activité (Gudmont-Villiers-en-Champagne, Soulaines, Morvilliers…. ) en subsurface. Les quatre piscines de l’usine de retraitement de La Hague, elles, seront à saturation d’ici cinq à dix ans. À terme, il en sera de même pour ceux entreposés à Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône). Par conséquent, il est d’ores et déjà envisagé de construire une immense piscine à Belleville-sur-Loire (208 km du Mans) pouvant accueillir jusqu’à l’équivalent de 69 à 93 cœurs de réacteur selon le journal numérique Reporterre. Chaque réacteur (58) a aussi sa propre piscine et Greenpeace a largement démontré leur vulnérabilité et va devoir prochainement en répondre ! Enfin, à seule fin de ne pas être trop long, on observera qu’aucun démantèlement d’envergure n’a vraiment commencé… On lira fort opportunément l’étude récente de Bernard Laponche, publiée le 20 février 2018, sur le site de Global Chance [6], intitulée La production de déchets dans le scénario de RTE, c’est là : .


[1] Pour les autorités, les lobbies, les technonucléocrates, la commune de Bure (Meuse) a pour vocation d’accueillir les déchets radioactifs de haute activité et à vie longue : HA-VL.

[2] « La Maison de la résistance » à Bure a été acheté par un Allemand pour le compte du Réseau Sortir du nucléaire, qui la lui a rétrocédée. Ce bâtiment est aujourd’hui la propriété du Réseau SDN et de l’association Bure – Zone libre.

[3] Hiboux, chouettes, grands, moyens, petits ducs… Sur la sagesse des hiboux : « Leur attitude au sage enseigne/Qu’il faut en ce monde qu’il craigne/Le tumulte et le mouvement » (poème de Charles Baudelaire).

[4] Avant d’être ministre du gouvernement Philippe, il se disait opposé au projet et posait même avec une pancarte : « Cigéo Bure, je dis non ! » (photo).

[5] Opération César : tentative avortée d’évacuation militaire (gendarmes mobiles et CRS) de la Zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, en 2012.

[6] Pour y accéder à partir du site de Global Chance : http://www.global-chance.org/La-production-de-dechets-dans-les-scenarios-de-RTE, et lire la globalité de l’étude ; sous téléchargement, cliquer sur « La production de déchets dans le scénario de RTE. »


Crédit photos : SdN 72. Photo de N. Hulot : Bernard Nicolle photographié à Guichen 35 le 8/9/2016. Dessin : J-Loïs & « X ». Bandeau : Réseau Sortir du nucléaire.