Présidentielles en Sarthe : les candidats pro-nucléaires épinglés


Mi-avril 2017 – Sarthe

En Sarthe comme sur tout le territoire, les affiches des candidats pro-nucléaires de la présidentielle se sont fait épingler. Un estampillage maîtrisé et… parfois sauvage.

Pas facile d’exister au grand jour, par voie d’affiches, en période électorale. Les panneaux dédiés à l’affichage — libre — sont surfréquentés et les partisans de chaque candidat se livrent à une guerre des icônes pugnace [1]. Du coup, nous avions décidé de communiquer autrement pour l’événement La Loire à zéro… nucléaire (le 8 avril) auquel nous nous sommes associés en cette furieuse période, c’est là : .

Néanmoins, nous sommes modestement intervenus dans cette jungle visuelle des candidats à la présidentielle très majoritairement pro-nucléaires. Avec, pour toute arme, un bandeau autocollant illustré du redoutable trèfle nucléaire — ☢ — et, imprimée, l’assertion : CERTIFIÉ-E PRO-NUCLÉAIRE, sur fond « jaune Réseau » (cf. photos). Rien de clivant ! Juste un légitime souci de bien surligner un aspect du programme du candidat ou de la candidate qui aurait pu échapper à quelque-un.e.s de leurs électeurs et électrices. Rappel aussi aux candidats qu’être élu à ce poste induit le risque d’être LE/LA président.e de l’accident nucléaire, via notre irresponsable parc de réacteurs, et sa responsabilité décuplée si ce dernier et/ou cette dernière en a été le chantre et le vecteur sa vie politique durant et dans ses propositions de programme à venir. Une catastrophe qui serait d’abord humaine, sanitaire, écologique et… économique, eu égard aux exportations agricoles.

Cheminade aurait dû être LE bon client. Il est pour, excusez du peu : la fusion thermonucléaire (il jubile des expérimentations ITER-France/international, Stellarator à Greifswald en Allemagne, EAST-Chine, et sans doute STOR-M au Canada), les réacteurs à neutrons rapides (ASTRID). Il plébiscite les projets les plus fol-amour-dingues : filière thorium (ce qu’il partage avec le tout aussi furieux Dupont-Aignan), réacteur à « haute température (HTR) et à lit de boulets », la fusion proton-bore, la torche à fusion… Crédité — historiquement — d’un pourcentage de quelques dixièmes, il en a presque été épargné, par défaut d’affichage, au profit des trois « stars politicomédiatiques » de la nucléosphère hexagonale laissés par les officines sondagières pour être du podium final.

Du trio de nucléocrates, Macron, Le Pen, Fillon, le Sarthois a sans doute eu droit, plus que tout autre, à notre stigmatisation (par défaut). « Il le vaut bien » pour être juste en dessous des délires atomistiques d’un Cheminade ! Digne successeur d’un très gaullien ministre de la Défense — Joël Le Theule —, il est tout comme lui chaud partisan de la dissuasion nucléaire qu’il veut moderniser. Il a aussi défendu et promu l’atome civil comme un forcené durant tous ses mandats, locaux (Sablé-sur-Sarthe ne lui doit-elle pas, un peu, Ionisos ?), départementaux, régionaux et nationaux ! Et il n’est pas en reste dans cette dernière compétition. Prolonger Fessenheim, poursuivre l’EPR de Flamanville et les deux d’Hinkley Point (Angleterre) et en vendre partout ou c’est possible, prolonger le parc existant de quarante à soixante ans, faire CIGéo (« laboratoire » et/ou poubelle nucléaire) [2], concevoir la quatrième génération de réacteurs et de petits et moyens réacteurs nucléaires (SMR), poursuivre ITER… Il a bien mérité de nos macarons, d’autant plus que son portrait s’affichait ostensiblement lors de nos poisseuses maraudes !

M. Le Pen n’a rien à lui envier. Candidate de la souveraineté et du repli, elle ne s’en remet pas moins pour autant à une énergie dont les licences et le combustible dépend à 100 % de l’étranger… et l’on connait les fluctuations et les possibles avatars en matières monétaires, les errements des politiques étrangères et en engagements militaires (aux confins du Mali, du Niger) que cela induit. Pour donner le change, elle développerait aussi les énergies renouvelables, mais instituerait un moratoire immédiat sur l’éolien !

Juste en dessous, E. Macron, « l’usufruitier » de Hollande, s’est seulement engagé à stopper Fessenheim et réaliser ce que son mentor (?) n’a pas pu (voulu ?) concrétisé lui-même. Une mesure néanmoins suspendue au redoutable « allumage » et la mise en production de l’EPR de Flamanville. Son ambition en reste là et il n’a surtout retenu aucune autre fermeture au calendrier mais adoube les grands carénages et le nucléaire dit de quatrième génération ! Rappelons aussi la fourberie de la loi Macron contenant un amendement voulant faire passer CIGéo de force via le 49-3, retoquée par le Conseil constitutionnel, et de celui dont elle porte le nom, c’est là : . La globalité reste un quasi copié-collé de Hollande et de la loi sur la transition énergétique : « réduire » à 50 % la part du nucléaire et plafonner la capacité du parc nucléaire à sa puissance actuelle (63,2 GW). S’il retient aussi l’objectif de 32 % de renouvelables dans le mix électrique français en 2030, parallèlement, il veut aussi déployer la mobilité électrique (bonus pour l’achat de véhicules et 7 millions de bornes électriques). Or, on sait qu’une élévation de la production des renouvelables fait mathématiquement baisser le pourcentage du nucléaire au risque de voir maintenu le nombre de réacteurs en l’état et la production nucléaire à son niveau actuel quand il conviendrait d’en fermer très rapidement le maximum. Naïve ou à la recherche d’un portefeuille, on a peine à croire que C. Lepage (Cap 21) — l’ex-Jupette (mai 1995 à juin 1997), devenue pourfendeuse du nucléaire (civil !) — arrive à le faire notablement évoluer sur le sujet (ce qu’elle prétend), sauf à la marge.  Entre les deux tours ?

Seul, P. Poutou se prononce pour une sortie du nucléaire civil (et militaire) sur un temps court (dix ans), comme en 2012 [3]. Il y a cinq ans, E. Joly (candidate EÉ-LV) soutenait cette option dans un temps médian, soit une sortie en vingt ans (2032) avec le succès qu’on connait (2,31 %, sans que cet item soit forcément en cause) mais avec un mouvement lui aussi en lutte sur le terrain (cf. ibid. note 3) avec plus ou moins de constance.

Pour cette présidentielle, l’offre de sortie — du nucléaire civil — sur un temps long s’est élargi à deux nouveaux candidats — 2050, pour : B. Hamon [4] et J.-L. Mélenchon —, avec tout de même une différence notable pour l’inattendu gagnant de la primaire de « la Belle alliance populaire » qui valide la mise en route de l’EPR de Flamanville. Il lui reste encore beaucoup à faire sur le nucléaire militaire. Ce dernier tergiverse (« S’il n’y a pas deux porte-avions, il n’y a pas de permanence à la mer ») sur le renouvellement et/ou deuxième porte-avions nucléaire ou diesel (franco-français, voire mutualisé), mais, pour quels objectifs ? Il engagerait aussi une remise à niveau des sous-marins lanceurs d’engins et des forces aériennes, en totale contradiction avec le TNP (Traité de non-prolifération) ratifié par la France en 1992.

J.-L. Mélenchon, lui, propose une sortie totale de la production nucléaire à l’horizon 2050 (temps long) et l’abandon de l’EPR de Flamanville (et des deux réacteurs d’Hinkley Point), calquée sur les modèles de NégaWatt et de l’ADEME, avec un accent très appuyé sur les énergies de la mer. Plus volontaire, le candidat de « la France insoumise » [5] est partisan d’un « désarmement nucléaire universel » (in fine, ils le sont tous) et « s’engage pour un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires ». Reste à en préciser les tenants et aboutissants ! Désarment d’abord ceux qui ont le plus : « Le moment venu, s’il le fallait, nous aussi on désarmerait. » Sauf à donner des gages à ses partenaires, on le connait plus perspicace. Ce — jeu — du « je te tiens tu me tiens par la barbichette » perdure hélas dans les négociations internationales depuis des lustres. Cependant, pour ne plus être à niveau et fort coûteuse, la suppression de la composante aérienne est envisagée.

Un constat ! les positions évoluent, mais sur le temps long. Or, le temps presse ! Plus de quarante réacteurs foncent vers leur fin de vie dans le quinquennat à venir. Si « la science est grande », malgré les soins palliatifs, on le sait, l’issue est fatale dans 100 % des cas ! Jeunes, ils n’en sont pas moins dangereux. S’il y a encore du chemin pour en finir avec les « professions de foi » dans le nucléaire civil, c’est d’autant plus vrai en ce qui concerne le concept de « dissuasion » nucléaire ! Gardons-nous de souscrire au pire.


Concernant la position desdits candidats sur le nucléaire, vous trouverez, sinon un inventaire exhaustif des programmes de chacun.e, en tout cas, un décryptage et un comparatif plus détaillé ici : . À l’occasion de l’élection présidentielle, le Réseau Sortir du nucléaire proposait — et dans la continuité propose toujours pour les législatives — un document clair et lisible, synthétisant les enjeux sur le nucléaire civil et militaire, pour interpeller les candidats à ces élections. Il est évidemment aussi consultable par le plus grand nombre, concitoyen.ne.s, journalistes, militant.e.s… ici : .

Disponibles en rouleaux de cinquante autocollants à la boutique du Réseau, quelques francs-tireurs se sont parfois laissés aller à coller des stickers sur les panneaux d’affichage électoraux officiels [6]. Des petits farceurs se sont aussi attelés au brouillage de notre message en recollant nos gommettes sur des candidats les plus en retrait sur le sujet…


[1] Au reste, lesdits panneaux d’affichage libre ont aussi progressivement été « privatisés » par des prestataires — en collage d’affiches — employés par des tourneurs de spectacles qui squattent littéralement le parc ! Officines dont le personnel passe au moins deux fois par jour, samedi compris, réduisant à néant l’affichage associatif ! Usés, détériorés, gênants, ils ne sont — aussi — plus remplacés et se font de plus en plus rares quand, parallèlement, les pavloviennes « sucettes » publicitaires (« l’offre urbaine » J.-C. Decaux), elles, prolifèrent. Et l’alibi de proposer un plan de la ville sur une face a fait long feu…

[2] Qu’un de ses plus proches soutiens — le sénateur meusien Gérard Longuet — a finalement réussi à faire valider par les sénateurs (les trois Sarthois) et parlementaires (une vingtaine de présents dans l’hémicycle, aucun des cinq députés du département), bien que nous ayons échappé à ce type de « Laboratoire » dans les années 2000, au voisinage de Sillé-le-Guillaume, grâce à une mobilisation rurale acharnée… C’est là : .

[3] Temps court pour P. Poutou : la LCR, puis le NPA, est de la lutte anti-nucléaire depuis « toujours ».

[4] Une position infléchie par le ralliement du candidat d’EÉ-LV, Y. Jadot.

[5] Un vocable aussi utilisé pour caractériser ceux qui refusaient le service national et la militarisation (embrigadement, armes de destruction massive, ventes d’armes), avant l’avènement de l’armée de métier, sans doute plus professionnelle mais surtout plus assujettie.

[6] Factuellement, l’information service du Réseau et sa recommandation était d’utiliser les panneaux d’affichage libre pour cette action.


Crédit photos : SdN 72. Illustration : Réseau SdN.