AT(h)OME, film proposé par l’association Chroma, au Royal (Le Mans)


Jeudi 22 septembre 2016  — Le Mans (au cinéma le Royal)

Film de 2013, d’Élisabeth Leuvrey et des images fixes du photographe Bruno Hadjih. Durée 53 mn. Production et diffusion : Les Écrans du Large, c’est là : .

Affiche At(h)ome-chroma 1Affiche At(h)ome-chroma 2Le film AT(h)OME [1] inaugurait le nouveau calendrier 2016/2017 des jeudis de Chroma au cinéma Le Royal, de l’association sarthoise éponyme. Ce très « beau » film d’Élisabeth Leuvrey, sur les ratées de l’essai nucléaire français de Béryl au Sahara algérien (1er mai 1962) et l’histoire de ce lieu, jusqu’à aujourd’hui, est aussi un mano à mano construit autour de puissantes images (noires et blanches) du photographe Bruno Hadjih et ses enquêtes sur le terrain. Notons aussi la participation de Christian Desbordes de la Criirad que nous avions reçu en mai (le 11) de cette année pour un atelier radiamètrie (c’est ici : et une conférence, sur l’irradiation des aliments (c’est là : ).

Nous avons bien sûr relayé l’intérêt de cette projection à nos adhérents et sympathisans ainsi qu’aux proches de l’Aven [2]  et aussi aux quelques contacts que nous avons avec cette organisation.

Ci-dessous la présentation qu’en à fait l’association Chroma sur son site internet (empruntée semble t’il, à la maison de production : Les Écrans du Large). C’est là : .

« Plus de cinquante ans après la fin de la guerre, une cinéaste et un photographe, issus des deux camps du conflit et enfants héritiers de l’histoire coloniale franco-algérienne, nous ramènent en 1962 en plein Sahara algérien.

D’une zone désertique irradiée aux faubourgs d’Alger, ils suivent le parcours d’une explosion nucléaire expérimentale.

De l’essai à l’accident, des retombées environnementales au « recyclage » des lieux du passé…

Le point de départ est historique, mais l’histoire contée nous rattrape au présent et vient nous chercher là où nous sommes — at home — pour un face à face avec des retombées sans frontière.

1er mai 1962 : l’essai nucléaire souterrain français Béryl est le plus grave accident nucléaire du Sahara algérien. 50 ans plus tard At(h)ome en suit le parcours : de l’essai à l’accident, des retombées environnementales au « recyclage » des lieux du passé, et met l’accent au présent sur la responsabilité des nations ».

Nullement démonstratif, AT(h)OME est à mi-chemin, entre film et documentaire. La part informative laisse volontier une place bienveillante aux témoignages d’autochtones dans une sobriété mêlée de sérénité qui force l’écoute. Population qui malgré les Accords d’Évian-les-Bains du 18 mars 1962 — l’accident de Béryl sera 1 mois 1/2 plus tard — continuera de subir pendant cinq années de plus, les essais nucléaires aériens puis souterrains de la France en vertu d’une clause secrète signée avec le GPRA, Gouvernement provisoire de la République algérienne, autorisant la France à mener des expériences d’armements nucléaires et chimiques au Sahara, jusqu’en 1966.

Passée la démarche personnelle de la cinéaste et son travail cinématographique, le débat s’est essentiellement cristallisé sur les témoignages — parfois poignants — d’anciens appelés et un sous-officier présents à cette projection. Tous, ayant peu ou prou vécus ces essais nucléaires. Évidemment sans aucune information, ni protection et suivi sanitaire, ni reconnaissance d’aucune sorte aujourd’hui, pas plus que de réparation des préjudices. Des témoins [3] qu’on sait ou devine touchés dans leur chaire.

At home : « à la maison »

Le virage compassionnel compréhensible du débat va du coup occuper et peser sur les échanges. La réflexion induite par ce petit (h) entre parenthèse (cf. affiche) en sera escamotée. Seule sera évoqué l’élévation de la radioactivité ambiante de la planète — partagée de tous — due aux deux bombes nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki et aux 2404 essais nucléaires de par le monde (il faudrait évidemment ajouter Mayak, Tchernobyl, Fukushima… et les innombrables rejets — autorisés ! ­— des centrales nucléaires).

Hélas, rien ne sera dit d’une actualité pourtant lourde et chaude concernant les risques accidentels et l’augmentation constante de la radioactivité subis de tous, qu’on soit militaire ou civil, jeune ou vieux, d’ici ou d’ailleurs ! At home : à la maison !

S’accommoder en milieu radioactif !

C’est pourtant ce que prépare en ce moment même un « Projet de décret relatif à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et à la sécurité des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance » en consultation publique (juste 1 mois) jusqu’à fin septembre… 2016 (cette directive est transposable en droit Français d’ici janvier 2018), c’est là : . Pour ce cas de figure, les autorités françaises ont retenu les niveaux de dose efficace les plus élevés possible : 100 mSv pour la phase d’urgence (de qq jours à qq mois) et 20 mSv/an pour la phase post-accidentelle (d’un an, voire illimitée au-delà de la phase d’urgence). Actuellement, hors accident, elles sont de 20 mS/an pour les travailleurs du nucléaire et de 1 mSv/an pour le public, des valeurs correspondant déjà à un niveau de risque élevé. Sordide corollaire sous jacent : plus la toise est haute, moins il y aura d’indemnisations à distribuer… Plus d’infos, c’est là : . N’omettez pas d’aller jusqu’au bout de ce lien ! Le maintien en zone contaminée, moyennant un peu de formation et d’équipement, y est envisagé avec poursuite d’une activité économique in-situ, impliquant solidarité, partage, échanges et « légitimes retours » des désavantages de la situation entre les populations exposées et les plus épargnées…

« Diététique » nucléaire 

À l’été 2015, le Parlement européens se penchait toujours sur l’harmonisation communautaire des Niveaux maximum admissibles (NMA) concernant la contamination radioactive légale dans les denrées alimentaires destinées aux personnes (mais aussi les animaux [4]) en cas d’accidents nucléaire hérité du traité Euratom de 1958 et défini en 1987, 1990. Des normes au plafond très élevé reconduisant pour l’essentiel celles retenues après l’accident de Tchernobyl. Concernés : 5 catégories d’aliments – aliments pour nourrissons, lait, boissons dont eau potable, aliments de base et aliments dit mineurs et 4 groupes de radionucléides – plutonium, strontium, iode et césium. Problème, les parlementaires sont renseignés par une expertise complètement pipotée, révélée ici : , par la Criirad. Il en va du scénario retenu distant de plus de 1000 km des frontières de l’Europe de l’époque (2200 de Paris) n’impactant « que » 10 % des végétaux quand elle peut n’être que de quelques dizaines de kilomètres et tout irradier, de l’impact mésestimée de l’iode 131 sur la thyroïde chez les enfant, etc. La Criirad conclue à des estimations de 10 à 100 fois supérieures à celles retenues par les susdits experts. Indépendants ? On en saura rien. La Criirad pétitionnera, alertera : président, Commission, Etats, eurodéputés, Direction Générale de la Santé, ministre, médiatrice et à réclamé que soit révèlée l’identité des pseudo experts, sans résultat.

Pourtant, le Conseil de l’UE adoptera le nouveau règlement (n°2016-52-Euratom, c’est là :  ) le 15 janvier 2016, et son entré en vigueur le 9 février sans omettre encore une fois d’autoriser les États membres à solliciter une dérogation… Le seul eurodéputé basé en Sarthe, Marc Joulaud, UMP/LR (groupe PPE) a, sans surprise, voté cette directive…

À l’issue de la visite du Premier ministre Shinzo Abe en France (le 5/5/2014) le communiqué de presse conjoint « franco-japonais » se félicite même de cette consternante inflexion : « Concernant le nucléïde radioactif dans les produits alimentaires et les fourrages provenant du Japon, le Japon se félicite de la compréhension de la France pour une révision des mesures de restriction de l’UE fondée sur des données scientifiques et le « CODEX pour les contaminants et les toxines dans les aliments » (§ 13, pages 10 et 11/15). 

En vérité, cette volonté d’écouler des productions agricoles contaminées par la radioactivité existe depuis longtemps. L’Observatoire du nucléaire propose le décorticage de cette malbouffe sous le titre : Autopsie des programmes : CEI, Eurétos, Ethos, Core, Sage, Farming, ici : . Mais, pas de panique… depuis 2005, le CODIRPA (Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle) ne s’active t-il pas ardemment à l’aménagement du future déluge !

Économie «  circulo-nucléaire ! »

Mais ce n’est pas tout ! Depuis l’arrêté du 5 mai 2009 (publié le 14) des dérogations à l’ajout de substances radioactives dans les biens de consommation et les matériaux de construction (cf. articles R.1333-4 et R.1333-5 de la loi de 2002 du code de la santé publique [ CSP]) sont devenues possibles. Désormais, excepté : les aliments (et encore, cf. plus haut) ; les produits cosmétiques ; les parures ; les jouets  et les matériaux en contact avec les aliments et les eaux, tout industriel peut solliciter des dérogations qui lui permettra de commercialiser des produits dont la radioactivité aura été délibérément augmentée. Ceci, en dépit d’un avis défavorable de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Plus d’infos, c’est là :  . Une possibilité déjà expérimentée à la fonderie Feursmétal (Loire), c’est là :  . 

Retours gagnants

L’empathie n’explique pas tout ! Sans doute aurions-nous dû mieux nous préparer pour ce débat et donner à entendre que la frontière entre militaires d’hier et civils d’aujourd’hui est désormais ténue. Les voix avalisant la possibilité d’accidents nucléaires en Europe, y compris en pays dits technologiquement avancés sont désormais nombreuses. Dixit, le Président de l’ASN, qui a lui même déclaré devant une commission de l’Assemblée Nationale « On ne peut plus exclure un accident nucléaire majeur en France » et ce n’est pas le seul. Les voix… mais, l’arsenal règlementaire et juridique suit ! À nous tous de faire que les ravages d’hier sur les autochtones, militaires et personnels civils ne soient pas ceux — de tous — demain.

AT(h)OME est disponible en DVD, à la boutique du Réseau Sortir du Nucléaire, au prix de 18 € + 5 € de port, soit 23 € TTC, c’est là :  .


« Recyclage » des lieux du passé… A la « marge », AT(h)OME révèle également que l’État algérien aurait détenus des partisans et/ou des sympathisants à la périphérie du Front islamique du salut sur ces zones irradiées par les essais nucléaires français, dans les années 1990. Prisonniers qui présentent des pathologie induites. Nous en avons difficilement retrouvé une trace sur un site internet (dont nous ignorons tout des accointances idéologiques, et qui ne saurait nous engager), ici :  et là : 

Controverse toujours en suspend ! Le cinéaste René Vautier [5] (décédé le 4 janvier 2015) avait soutenu qu’environ 150 prisonniers algériens — vivants — avaient été exposés aux effets de la bombe « Gerboise blanche », à environ 1 km de l’épicentre, lors du tir expérimental d’Hamoudia du 1er avril 1960, selon une information émanant d’un légionnaire français d’origine allemande affecté à la base de Reggane, recueillie par le réalisateur documentariste à la D.E.FA. (Deutsche Film-Aktiengesellschaft), Karl Gass. Un article possible, est là : Si cette allégation nourrie par une photo particulièrement controversée reste encore à démontrer, l’utilisation de cadavres, elle, a très souvent été mentionnée et même confirmée en 2007 par le porte-parole du ministère de la Défense, Jean-François Bureau, en 2007.

Un train d’essais nucléaires, suivi d’autres… Après le Sahara algérien, durant 30 ans, la Polynésie est devenue le centre des expérimentations nucléaires de la France. Soit : 46 essais aériens à Mururoa et Fangataufa et 147 essais souterrains dans les sous-sols et sous les lagons des atolls de Mururoa et Fangataufa. De 1992 à 2015, la Caisse de prévoyance sociale a recensé en Polynésie française 7489 personnes traitées pour des cancers reconnus comme potentiellement radio-induits par la loi Morin (deux-tiers sont déjà décédés). D’après l’association 193, au moins 7 489 personnes seraient victimes d’au moins une des 21 pathologies reconnues par la loi Morin. Coût, pour la Caisse de prévoyance sociale (CPS), entre 1992 et 2015 : 54 milliards de Fcfp. Sept Polynésiens ont pour l’heure été indemnisés depuis 2010 sous l’égide de la loi Morin, sur près de 1043 dossiers de demande soumis à l’avis du Civen. Tous sont soit des anciens travailleurs du nucléaire, soit des personnes ayant résidé dans des « zones à risque » lors des campagnes d’essais aériens, entre 1966 et 1974.


[1] À partir du 4 novembre 2016, Médiapart diffusera pendant trois mois le documentaire At(h)ome d’Élisabeth Leuvrey.

[2] Association des victimes des essais nucléaires, vue, une bonne semaine auparavant, à « Associations en Fêtes » à Allonnes.

[3] De l’Aven, Association des vétérans des essais nucléaires, semble t-il, ou en rupture.

[4]  Qu’au final, exceptés les végétariens, végétaliens et véganistes, vous pourrez retrouver dans votre assiette. 

[5]  Avoir vingt ans dans les Aurès ; Marée noire, colère rouge ; Mission pacifique (essais nucléaires dans le Pacifique et naufrage du Rainbow Warrior)…


Photos : captures d’écran.