Le beurk de l’an 2000 à Izé (ou, poubelle radioactive en Mayenne à deux pas de Sillé)


Années 2000  à Izé (nord-est de la Mayenne, 14 km de Sillé)

Avertissement : la plupart des rédacteurs de ce site internet et du groupe actuel SDN 72 n’ont pas forcément été acteurs de cette mobilisation et ne veulent en aucun cas s’approprier la courageuse et emblématique lutte menée essentiellement par des locaux à la périphérie du Maine et du nord-ouest de la Sarthe.

St Pierre-sur-Orthe-2000-1 villaines-la-juhel

Au tournant de ce changement de siècle, les médias focalisaient sur le fameux — et finalement fumeux — bug informatique de l’an 2000. Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt, dit-on ! En ce même début de siècle, des technocrates, des experts de ci de ça — loin d’être des grands sages, on le verra — pointaient leur doigt sur la minuscule commune d’Izé, au nord de la Mayenne, la vouant à devenir le deuxième dépotoir français de déchets hautements radioactifs à vie longue.

manif-ize-4Après l’immersion sauvage en mer, en Manche pour l’Angleterre (dans la fosse des Casquets, à une encâblure du Cotentin), en Atlantique pour la France (11 000 tonnes en 1967 et rebelote en 1969, rien que pour la France), différentes formations géologiques  » hôtes » ont été envisagées en France (recherches organisées en 1991 par la loi Bataille) et à travers le monde. Tout y passe : tuffe, granite, sel, argile, fer, roche cristalline, schiste, et parfois même sous la mer (Suède). On oublie les fantasques satellisations…

Dans les années 2000, l’Andra (aujourd’hui Agence nationale pour la gestion et la maîtrise des déchets radioactifs) recensera des sites susceptibles d’accueillir des laboratoires (expérimentaux et provisoires selon elle) pour ces déchets dans des formations géologiques STABLES (à Bure pour l’argile), puis sur une bonne quinzaine de cantons français pour le granite, gageant que ces barrières naturelles et artificielles perdureront pour assurer leur décroissance radioactive (plusieurs milliers d’années pour certains d’entre-eux quand même !). De 1987 à 1990, quatre sites d’enfouissement avaient déjà été sélectionnés : à Neuvy-Bouin (Deux-Sèvres) pour le granite, Mont-Cornet-Sissonne (Aisne) pour l’argile, Segré (Maine-et-Loire) pour le schiste, Saint-Trivier-de-Courtes (Bresse) pour le sel. Mais devant le tollé général, Michel Rocard bottera finalement en touche.

manif-ize-2En 2000, donc, la petite commune d’Izé, dans le nord-est de la Mayenne (26 km de Mayenne, 46 km de Laval, 44 km d’Alençon, 50 du Mans et 15 de Sillé-le-Guillaume) devient à son tour l’un des quinze lieux possibles de prospection pour un entreposage dans le granite. Mais l’Andra ne vient pas les poches vides. Pour ferrer le poisson, elle annonce 800 millions de travaux (en francs, à l’époque), quarante emplois, et s’engage à régulièrement « déverser » 60 millions de compensation par an au département « pour reconnaissance par la Nation de service rendu par la collectivité locale ». Fort heureusement, une rapide, forte et ferme mobilisation de la population locale (Mayenne, Orne, Sarthe) viendra anéantir ce projet de poubelle nucléaire (cf. : SDN n° : année 2000).

De visite en Mayenne, les 23 et 24 février 2000, Jacques Chirac, président de l’époque, va essuyer la première salve de protestation d’un demi-millier de manifestants sous les fenêtres de la préfecture de Laval. Les sept délégués reçus par une conseillère de l’Elysée, Mme Duthilleul, n’oublieront pas son… invite (?) « la mobilisation est déterminante dans le choix d’un site » et encore, que le labo se fera « là où la population est la moins mobilisée ». Elle ne sera pas déçue…

manif-ize 4Quinze jours plus tard, c’est encore Laval qui sera le réceptacle de la plus importante manifestation, le samedi 11 mars 2000, avec plus de cinq mille personnes, au son du martèlement de nombreux bidons et des tirs de canon à corbeaux. On y verra même un farouche partisan du nucléaire, F. d’Aubert, maire de Laval, député de la circonscription où se trouve Izé, défiler sous les fenêtres de son collègue au conseil général Jean Arthuis et une brochette d’élus DL, UDF, PS, tous tout autant pronucléaires.

Le lundi suivant, « la mission granite » (émanation d’un décret du 3 août 1999 qui a donné naissance à cette mission collégiale granite) rencontre les conseillers généraux et les élus des zones concernées à Laval, puis se risque après quelques tergiversations dans le chaudron de Bais où trois mille manifestants les attendent de pied ferme. Sans être dans le Tourmalet début juillet, sur le parcours, l’enrobé et les bas-côtés annoncent la colère rurale. Guidée vers un sas de décontamination symbolique, le simulacre de concertation va tourné court. Un brin chahutée, « la mission granite » sera reconduite symboliquement autour de 4 h 30 du matin aux limites du département par cent vingt tracteurs.

Izé 2000 st-pierre-sur-ortheAutre ville, d’ordinaire si discrète : Saint-Pierre-sur-Orthe (cf. photo en haut). Le dimanche 21 mai, elle accueillera sur la colline de Bernusse (à proximité d’Izé) une importante manifestation des plus originales : un NON humain de 2 300 personnes sur un assemblage de 1 500 draps de 6 000 m2 (à voir dans un résumé, page 5, de Sortir du Nucléaire n° 22 de juillet 2003) qui la fera figurer dans le Guiness Book.

monument-ize 2000Mais les grands moments de mobilisation les disputent aux plus fréquents et parfois plus confidentiels : élévation de pyramides de bidons, panneautage et bidonnage des villages libérant l’imagination, plantations de véritables cèdres (traduire : contre l’enfouissemet des déchets radioactifs dans l’environnement), lancés de ballons,  course « d’objets flottants non identifiés » sur la rivière Mayenne, élévation du monument dénonçant l’enfouissement le 13 mars 2001 (cf. photo), malheureusement détruit par une tempête en 2013, etc. Hélas, vous ne retrouverez pas tout sur internet… et là où vous trouverez le plus de détails compilés, c’est dans l’excellent livre En Mayenne, c’est NON.

Stupeur et tremblement ! En 2012, le 10 juillet exactement, à 5 h 29, ladite commune d’Izé, retenue moins d’une douzaine d’années plus tôt par les experts géographes, géologues, etc., pour son sous-sol granitique subodoré STABLE, était le théâtre d’une secousse sismique de 3,4 sur l’échelle de Richter, à 8 km en profondeur… Admirons, ici, la pertinence du choix de ce site ! C’est plus détaillé ici : .

Et sur internet c’est là : .

Depuis 1998, on le sait, l’Andra a jeté son dévolu sur l’est de la France pour un stockage dans l’argile. Pourtant, là aussi, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient de mettre en garde (en 2013) l’Andra sur plusieurs points, dont un, la sous-évaluation du risque sismique.

Pas bien loin de la Sarthe, un autre projet d’enfouissement de déchets nucléaire (dans le schiste) avait été mis en échec au Bourg-d’Iré dans le Maine-et-Loire, grâce, là aussi, à une mobilisation sans précédent des habitants du Segréen entre 1987 et 1991. Vous pouvez trouver une rétrospective des événements ici (1989) : .

Deux livres incontournables pour connaître et comprendre cette lutte antinucléaire du début du siècle, le premier écrit quasiment à chaud, le second avec cinq années de recul :

Leçon de campagne, de Jean-Claude Leroy. Éditions Cénomanes, 59 rue Delagenière, 72000 Le Mans. Date de parution : 2001. 12 x 21 cm, 128 pages, 12 €. C’est là : .

En Mayenne, c’est non. Éditions l’Oribus, 31 rue Pierre-Joseph Proudhon, 53000 Laval. Date de parution : 2006. 21 x 29,7 cm, 148 pages, 15 € port compris. C’est là : .


Pour être complet, nous devrions, ici, chroniquer chacun des caciques du département (des personnages politiques de l’époque dont certains  » sévissent  » encore aujourd’hui) qui de près ou de loin étaient impliqués par ce dossier : au voisinage d’Izé (Mayenne), François d’Aubert, maire de Laval, député, ancien conseiller général du canton de Bais, député DL puis UMP (qui sera embassadeur d’ITER ensuite !), Michel Nicolas, maire d’Evron, Marie-Cécile Morice, conseillère générale du canton de Bais, plus loin, mais du même département, Jean Arthuis, maire de Château-Gontier et conseiller général… mais nous serions long et nous sommes hors du département. Moins partisans que nous ne le serions, les ouvrages cités ci-dessus le font, avec plus de réserve.


Une simple consultation visuelle de ces trois sites vous permettrons de vous immerger dans l’agitation du moment et vous pénétrer de l’ambiance in situ : (manifestation à Bais le 13 mars 2000), (manifestation à Laval le 11 mars 2000),Un journal des luttes sur le terrain : .

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Crédit photo : Rémi Sillé, capture d’écran, et ?